Québec vient de retirer à un centre de la petite enfance (CPE) de Saint-Hubert les 68 places qu'il lui avait attribuées en 2008 pour ouvrir une nouvelle garderie. Le CPE l'accuse en retour d'avoir des exigences irréalistes et de lui avoir mis des bâtons dans les roues. Il a dépensé 70 000$ de fonds publics en pure perte dans ce projet.

Le cas du CPE Caillou Lapierre, qui compte déjà deux installations, illustre les obstacles auxquels font face de nombreux promoteurs de garderie. Il prouve également que le ministère de la Famille a lancé une deuxième «vague de récupération de places» qui ont été attribuées en 2008, mais qui n'ont toujours pas vu le jour. Presque le quart des 18 000 places (4100) annoncées il y a trois ans n'ont pas été créées. Environ 900 ont déjà été récupérées par Québec dans une première phase.

Après avoir obtenu le feu vert du Ministère, en août 2008, le CPE Caillou Lapierre a entrepris des démarches pour concrétiser son projet. Il s'est lancé à la recherche d'un terrain et en a acheté un de la commission scolaire Riverside au coût de 490 000$, avec l'accord et le financement du Ministère. Il a dû attendre un an avant que le ministère de l'Éducation autorise la vente et il a retenu les services d'un architecte pour dessiner les plans de la nouvelle garderie.

Le ministère de la Famille a fixé à 972 000$ la subvention maximale pour la construction. Or, l'architecte a estimé que le projet devrait coûter 78 000$ de plus. «Notre projet est au minimum. On n'a rien d'extra. On avait de grands rêves quand on a commencé, mais on a enlevé beaucoup de choses», plaide la directrice du CPE, Chantal Bellavance. Elle souligne que la Ville a exigé que le stationnement compte une vingtaine de places et que le revêtement extérieur soit en brique.

Le CPE a lancé son appel d'offres en octobre dernier. La surprise a été de taille quand on a ouvert les enveloppes: la proposition du plus bas soumissionnaire s'élevait à 1,3 million de dollars, soit 328 000$ dollars de plus que la subvention maximale du Ministère.

Enveloppe insuffisante

«L'enveloppe du Ministère est insuffisante et les architectes le confirment. Ça ne correspond pas du tout à la réalité du marché», estime Mme Bellevance. Selon elle, Québec aurait autorisé d'autres projets de CPE affichant des dépassements de 100 000$, voire 250 000$. «Ça démontre que l'enveloppe est irréaliste», dit-elle.

Le Ministère a demandé au CPE Caillou Lapierre de fournir lui-même les 328 000$. Mais, deux comptables ont conclu qu'il n'en avait pas les moyens. Selon une directive administrative, le Ministère peut demander une mise de fonds d'un CPE pour la construction d'une nouvelle garderie lorsque celui-ci a une «marge de manoeuvre pour opérations courantes» de 10%. Or, le coussin du CPE Caillou Lapierre n'est que de 7%.

Le CPE a informé Québec qu'il ne pouvait payer la facture, mais le Ministère est resté inflexible. Dans une lettre datée du 5 décembre, il lui a annoncé la «récupération» des 68 places.

«C'est trois ans de travail perdus. Et j'ai un inconfort à penser que 70 000$ viennent d'être mis dans les poubelles», affirme Mme Bellavance. Elle craint que les CPE qui répondent à l'appel d'offres en cours pour 15 000 places subventionnées éprouvent les mêmes difficultés.

Le président du conseil d'administration du CPE, Louis-Philippe Carrier, reproche au Ministère de n'avoir rien fait pour aider son équipe. «La seule rencontre qu'on a eue, c'est nous qui l'avons demandée. Et on était devant un mur. On n'était pas devant des gens pour trouver des solutions afin que le projet se réalise; on s'est sentis menacés à toutes les étapes», raconte ce parent bénévole.

«On promet des places à la population et, après ça, on met des bâtons dans les roues à ceux qui sont mandatés pour les développer», ajoute-t-il.

Le ministère de la Famille lancera un nouvel appel d'offres pour redistribuer les places du CPE Caillou Lapierre et celles d'autres garderies qui n'ont pas concrétisé leur projet.