Quittant leur garderie pour descendre dans la rue, des propriétaires de plusieurs garderies privées du Québec ont dénoncé samedi le sous-financement dont ils sont victimes.

Réunis devant le bureau montréalais du premier ministre du Québec, Jean Charest, propriétaires de garderie, éducatrices et parents accompagnés de leurs enfants, ont demandé au gouvernement de réduire l'écart de financement entre les réseaux public et privé. Une garderie privée subventionnée reçoit de l'État 34,50$ par jour pour chaque enfant de plus de 18 mois et 51,70$ pour chaque poupon, d'après les données de l'Association des garderies privées du Québec (AGPQ). C'est 37,80$ et 58,60$ dans le cas d'un centre de la petite enfance (CPE). Selon le ministère de la Famille, cette différence s'explique entre autres par le fait qu'une garderie est à but lucratif contrairement à un CPE.

Les propriétaires de garderies privées soutiennent que, puisque leurs établissements sont soumis aux mêmes normes que les CPE, ils devraient recevoir un financement équivalent, sans quoi, craignent-ils, ces normes pourraient ne pas être respectées. «On n'y arrive plus, lance le président de l'AGPQ, Sylvain Lévesque. On n'a même pas l'argent pour répondre aux augmentations du coût de la vie.» Selon lui, l'impact de ce sous-financement touche l'achat de jeux éducatifs et des jouets, la nourriture, surtout, les conditions de travail des éducatrices. «Ça a un impact sur la rétention de notre personnel qualifié, fait-il valoir. C'est là qu'on est en concurrence avec les CPE. Il y a une pénurie importante d'éducatrices au Québec et on refuse de niveler par le bas la qualité de nos services en étant obligés de ne pas embaucher suffisamment d'éducatrices qualifiées.» Il explique que les garderies privées ne parviennent pas à rivaliser avec les CPE au chapitre des salaires et des avantages sociaux offerts aux éducatrices.

«La qualité passe par un personnel qualifié et aussi par une stabilité dans le personnel, remarque Nathalie Lambert, propriétaire de la garderie La Bambinerie à Laval. Si les éducatrices s'en vont travailler ailleurs aussitôt qu'elles ont une offre meilleure, on se retrouve avec un roulement de personnel et ce n'est pas bon pour les enfants.»

Propriétaire du centre éducatif Au royaume des enfants à Gatineau, Maria Berrafato, ne parvient pas à rencontrer les normes du gouvernement qui l'obligent à employer trois éducatrices qualifiées. Elle en a deux. Pendant un certain temps, elle n'en avait même qu'une seule. «C'est toujours up and down, déplore-t-elle. Je n'arrive jamais à trois. Donc, on me coupe mes subventions et il faut que je coupe dans autre chose pour arriver à payer mes éducatrices au même salaire que les CPE. Ça veut dire avoir moins de jouets, avoir moins de sorties.»

Pas question toutefois de lésiner sur la propreté, insiste Sylvain Lévesque. Au cours des derniers mois, les médias ont fait état à quelques reprises d'insalubrité dans des garderies. M. Lévesque soutient toutefois que la question de la propreté ne doit pas être liée au manque de financement. «Il y a des gens pauvres qui sont propres, a-t-il illustré. Ce n'est pas une question de financement.»

Les garderies privées comptent accentuer la pression au cours des prochaines semaines en tenant des journées d'études et en ouvrant parfois leurs portes plus tard en matinée.