Suspendues partout dans la ville, les affiches aux couleurs du Québec affirmant que la province avait grand besoin de médecins et de professeurs ont charmé la famille Puscas.

Et pourquoi pas? Ciprien Puscas était psychologue et professeur d'université. Valentina Vancea enseignait l'éducation physique.

Ils ont quitté leur Transylvanie natale, au centre-ouest de la Roumanie, un jour de juillet 2005. Ils ont débarqué à Montréal avec leur fils, Radu, alors âgé de 4 ans. Toutes leurs possessions étaient contenues dans quatre valises.

Ils se sont installés à Côte-Saint-Luc. Ils ont aimé la petite rue tranquille débouchant sur un parc. Six ans plus tard, ils y sont toujours, même si le quartier est pauvre et l'immeuble, un peu mal famé.

Le mobilier de leur appartement est modeste, quelques meubles égaient les pièces blanches, mais l'ensemble est accueillant. C'est la première fois qu'ils reçoivent des étrangers chez eux.

«Je suis tellement nerveuse», lance Mme Vancea en faisant comprendre que le style de vie qu'ils ont adopté au Québec comme immigrants ne correspond pas aux normes attendues en Roumanie. «Tout cela nous convient, ajoute-t-elle en montrant le logement de la main. Pour moi, l'important, c'est la famille, l'éducation et pouvoir nourrir nos enfants.»

Sur la petite table de la cuisine, son mari débouche une bouteille de vin rouge et dispose des charcuteries achetées dans un commerce hongrois qu'ils aiment bien.

Dans la pièce voisine, leur fille Héléna, âgée de trois ans et demi, fait la sieste. Dans quelques minutes, elle viendra s'installer devant la télévision pour regarder Scooby-Doo.

Radu, qui a aujourd'hui 10 ans, vient nous dire bonjour. Cheveux légèrement ébouriffés, portant fièrement un maillot de soccer jaune, il ressemble aux autres garçons de son âge. Il aime l'éducation physique et les jeux vidéo.

À la maison, la famille parle roumain. Mais Radu affirme n'avoir aucune difficulté en français à l'école.

Quand ils sont arrivés au pays, ses parents l'ont inscrit à la garderie. «On ne le savait pas au départ, mais il n'y avait que des enfants russes. Alors trois mois plus tard, il ne parlait pas français, mais russe», rigole aujourd'hui son père.

En maternelle, Radu a fréquenté une classe d'accueil à l'école primaire du quartier, l'école de la Mosaïque. Tous les jours, sa mère attendait l'enseignante pour savoir comment s'était passée la journée.

À ce souvenir, Mme Vancea cache son visage dans ses mains, gênée.

«Elle devait penser que je la harcelais, mais pour moi, c'était normal. Chez nous, on parle beaucoup avec le professeur de notre enfant, on pose des questions sur son comportement pendant la journée. L'enseignante est une deuxième mère pour notre enfant.»

En première année, Radu a été intégré à la classe régulière. Seul l'anglais lui a causé quelques difficultés.

«C'était seulement une heure de cours, mais il arrivait à la maison en me disant qu'il ne comprenait rien, même pas les pages des devoirs à faire. Il était découragé», se rappelle Mme Vancea.

Ses parents lui ont payé des cours privés puis, voyant que les résultats n'étaient pas suffisants, ils l'ont inscrit à un camp linguistique un été. Aujourd'hui, il se débrouille bien en anglais, en français et en roumain.

Nouvelle vie

La famille s'est lentement adaptée à sa nouvelle vie. M. Puscas s'est trouvé un emploi de serveur pour subvenir aux besoins de sa famille, en attendant d'apprendre suffisamment le français pour obtenir ses équivalences comme psychologue.

Mme Vancea est retournée sur les bancs d'école pour obtenir son brevet d'enseignante. Ce qu'elle a accompli, non sans difficulté.

Malgré ses 13 années d'expérience en enseignement, elle a dû refaire des stages. Ensuite, comme pour tout jeune enseignant, elle a fait des remplacements au pied levé et multiplié les écoles pour obtenir une tâche pleine.

Elle s'est parfois heurtée aux différences. Comme cette fois où elle s'est retrouvée dans une école d'un quartier défavorisé, fréquentée majoritairement par des Québécois francophones.

«Les enfants riaient de mon accent, je ne savais pas quoi faire. Un enfant qui crie dans la classe après le professeur, je n'avais jamais vu cela. Chez nous, on ne se lève pas, on ne va pas aux toilettes pendant les cours.»

Une pétition a même circulé, réclamant le départ de cette enseignante trop stricte. Puis Mme Vancea et ses élèves se sont apprivoisés. Aujourd'hui, elle garde un merveilleux souvenir de cette école et aimerait y retourner si un poste se libérait.

La famille Puscas s'est recréé un cocon familial. Après l'école, les quatre mangent rapidement une bouchée avant d'aller au parc ou à la bibliothèque. Ensuite, c'est le souper, puis Mme Vancea vérifie les devoirs de son fils tandis que M. Puscas s'amuse avec leur fille.

Et la famille, laissée derrière en Transylvanie? Un ange passe. M. Puscas y est retourné à quelques reprises pour recharger les batteries. Émue, Mme Vancea explique qu'elle n'en est pas encore capable. Elle parle à sa mère au téléphone. «Notre pays, c'est le Québec maintenant», dit M. Puscas.