Plus de 10 ans après son implantation dans les écoles québécoises, la réforme de l'éducation soulève encore le débat. Dans un manifeste rendu public aujourd'hui, un regroupement de 29 universitaires se porte à la défense du Renouveau pédagogique. Avec ce «Manifeste pour une école compétente», les signataires souhaitent que la société se questionne sur les nombreux changements «à la pièce» apportés au cours des trois dernières années qui, selon eux, «dénaturent les fondements mêmes de la réforme».

«C'est la première fois de l'histoire que des universitaires issus de toutes les universités québécoises signent un manifeste sur ce sujet. Il faut nous écouter», dit Louise Lafortune, professeure titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) et signataire du document.

«Remettre les pendules à l'heure»

Selon Mme Lafortune, il est temps de remettre les pendules à l'heure sur le Renouveau pédagogique. Par exemple, elle dit ne pas comprendre pourquoi la population a ridiculisé des termes de la réforme comme les «compétences transversales» ou l'«intégration». «Dans d'autres domaines, comme celui du gaz de schiste, les termes scientifiques ont été acceptés sans problème!» compare-t-elle. Mme Lafortune rappelle que le Québec réussit toujours très bien aux examens internationaux. «Dire que la réforme a été un échec n'est pas exact», dit-elle.

Changements dénoncés

Les signataires déplorent que, depuis trois ans, plusieurs changements aient été apportés à la réforme, dont l'imposition de bulletins uniques qui favorisent l'évaluation des connaissances au détriment des compétences et le retour au redoublement dans les écoles. Selon eux, ces changements «dénaturent les fondements mêmes de la réforme». Mme Lafortune et ses collègues ne comprennent pas ces «retours en arrière». «Le Québec n'accepte pas les avancées de la recherche en éducation. Si je vous disais que je soignerais votre cancer de la même façon que dans les années 80, vous ne voudriez pas. Pourquoi veut-on continuer d'enseigner aux enfants comme dans les années 80?» demande Mme Lafortune.

La FAE réplique

Le président de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE), Pierre St-Germain, réplique que si la réforme a été si mal accueillie, c'est que «très peu d'études scientifiques ont prouvé qu'elle est efficace». Selon lui, les universitaires qui défendent aujourd'hui la réforme ont eux-mêmes créé un «vocabulaire qui ne voulait rien dire» et qui a massivement été rejeté par la population. M. St-Germain reconnaît que les changements apportés au cours des dernières années ont dénaturé la réforme. «Mais si les universitaires veulent que ces changements cessent, nous, on dit qu'il n'y en a pas assez. On ne veut pas revenir en arrière de 60 ans. Mais on ne veut plus de la réforme», dit-il.