La loi 101 ne doit pas être étendue aux cégeps, selon le Conseil supérieur de la langue française (CSLF). Cependant, tous les cégeps du Québec, tant anglophones que francophones, devraient hausser leurs exigences quant à la maîtrise du français par les étudiants qui les fréquentent, soutient l'organisme-conseil.

Dans un avis nuancé rendu public mardi, le CSLF recommande donc au gouvernement de maintenir le libre choix de la langue d'enseignement au cégep, contrairement à ce qui se passe au primaire et au secondaire.

Cette position correspond à celle du gouvernement Charest, mais vient en contradiction avec celle défendue par le Parti québécois, qui, au terme d'un long débat, en est venu à la conclusion qu'il fallait étendre les dispositions de la loi 101 au cégep, pour affirmer le caractère francophone du Québec.

«Il y a une limite à la contrainte législative», a résumé le président du conseil, Conrad Ouellon, en conférence de presse.

Il faut que les gens adhèrent librement au fait que la langue française est le ciment de la société québécoise, selon lui.

Car il ne faut pas présumer que les allophones et les francophones qui choisissent le cégep anglophone vont aussitôt perdre leur capacité de s'exprimer en français, après deux ou trois ans de fréquentation d'un cégep anglais, écrit le conseil dans son avis d'une trentaine de pages.

Les conclusions du conseil, qui a pris position à l'unanimité pour le maintien du libre choix, sont basées notamment sur le fait que les allophones s'inscrivent en nombre croissant aux cégeps francophones.

«La proportion des allophones qui fréquentent le cégep français et s'y inscrivent croît régulièrement», a commenté M. Ouellon, en citant des données du ministère de l'Éducation relatant que 64,2 pour cent des allophones ayant terminé leur secondaire ont choisi le cégep francophone en 2009.

ll note aussi que la proportion des francophones qui choisissent le cégep anglais est aussi en augmentation et leur nombre dépasse même celui des allophones. Cependant, près de 95 pour cent des francophones s'inscrivent au cégep français.

Cette tendance est rassurante, a dit M. Ouellon.

Mais l'opposition péquiste, elle, est loin d'être rassurée par la tournure des événements.

Le porte-parole péquiste en matière de langue, le député de Borduas, Pierre Curzi, a jugé que l'avis du CSLF manquait de profondeur et de rigueur.

Reprenant les chiffres colligés par le conseil et d'autres études comme celle de l'Institut de recherche sur le français en Amérique (IRFA) parue en décembre, il a déploré que 37 pour cent des allophones quittaient le secteur français pour aller au collégial anglais et rejoindre ainsi les 13 pour cent d'allophones déjà inscrits au secteur anglophone.

«Le résultat, c'est qu'un allophone sur deux fait son collégial en anglais», a noté M. Curzi en point de presse.

Il n'a pas voulu s'en prendre aux immigrants, mais a dit plutôt vouloir constater que le Québec leur envoyait «des signaux très confus» sur la question linguistique.

Il observe aussi une tendance chez les francophones à privilégier de plus en plus le cégep anglophone, puis l'université, donc à s'intégrer plus tard au marché du travail en anglais.

De son côté, le premier ministre Jean Charest n'a pas voulu commenter l'avis, à sa sortie du caucus de ses députés.

Quant à elle, la ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, Christine St-Pierre, s'est réjouie du travail du conseil, qui vient confirmer la position du gouvernement.

Elle a qualifié l'avis du CSLF de «pragmatique et équilibré».

Les jeunes arrivent au cégep à l'âge où on fait des choix de carrière et «ils veulent une meilleure maîtrise de l'anglais», a-t-elle fait valoir.

Selon elle, la chef péquiste Pauline Marois a eu tort d'adopter une position «radicale» sur le sujet. «Elle se retrouve toute seule dans son coin», a dit Mme St-Pierre.

Le chef de l'Action démocratique (ADQ), Gérard Deltell, s'est dit lui aussi rassuré par les conclusions du conseil.

De la situation du français au cégep, il tire la conclusion suivante: «il n'y a pas de danger. Il n'y a pas de péril en la demeure».

Comme Mme St-Pierre, il pense que le Parti québécois prône le cégep en français obligatoire parce qu'il se radicalise sur la question linguistique. Il croit que le PQ tente de créer une situation de crise pour en tirer profit.