Des petits de la garderie qui pleurent tout bas dans les toilettes ou sur leur petit matelas. D'autres qui réclament d'aller dormir bien avant la sieste, ou qui ne veulent plus rien avaler. D'autres encore qui ne quittent plus des yeux l'horloge ou la fenêtre. Ou qui barbouillent et déchirent tous leurs dessins dans des accès de rage.

Chaque année, un nouvel enfant en détresse inquiète les éducatrices du centre de la petite enfance (CPE) et bureau coordonnateur Enfant-Soleil, situé dans le sud-ouest de Montréal, où vivent plusieurs familles pauvres.

À l'autre bout de la ville, dans Hochelaga-Maisonneuve, au CPE La Maisonnette, un enfant était si anxieux qu'il s'était arraché tous les cheveux.

Selon une étude de l'Université de Montréal publiée en 2009, près de 15% des Québécois de moins de 6 ans souffrent de degrés atypiques de dépression (pas nécessairement majeure) et d'anxiété.

Si la tristesse perdure, les éducatrices notent leurs observations pour pouvoir diriger l'enfant vers le CLSC. «Dans 90% des cas, on ouvre les yeux aux parents, qui se montrent très ouverts», indique la directrice pédagogique d'Enfant-Soleil, Karina Marcille.

La véritable dépression est toutefois difficile à reconnaître. «C'est difficile de savoir si l'enfant très introverti est déprimé, ou s'il est simplement timide. On repère plus aisément l'hyperactivité ou les troubles de développement, parce que nous disposons de nombreuses grilles», dit Marie-Claude Millette, directrice de la Maisonnette.

Chez les petits, les signes de la dépression ne sont pas nets; les chercheurs américains tentent encore de les cerner, admet la pédopsychiatre Joyce Canfield, qui les traite à l'Hôpital de Montréal pour enfants.

Il est pourtant urgent de les soigner. «Sinon, ces enfants accumulent des retards, dit-elle. Ils doivent jouer et socialiser pour apprendre et se développer normalement.»     

Les bambins sont particulièrement vulnérables lorsqu'ils se voient séparés de la personne qui prenait soin d'eux, note la pédopsychiatre. Pour eux, les décès et certains divorces peuvent être traumatisants.

«En CPE, on peut parfois éviter le pire en établissant un lien affectif avec les enfants», se console Marie-Claude Millette.