De 2005 à 2009, le nombre d'élèves trop faibles pour suivre le cheminement ordinaire au secondaire et qui doivent se destiner à des métiers semi-spécialisés a explosé de 90% à Montréal. Pour la Fédération autonome de l'enseignement (FAE), cette hausse prouve que la réforme de l'éducation n'a pas permis d'aider les élèves handicapés et en difficulté d'adaptation et d'apprentissage (EHDAA), qui sont de plus en plus nombreux à abandonner le cheminement scolaire traditionnel.

Depuis la réforme de l'éducation au Québec, les élèves qui terminent leur deuxième année secondaire mais qui n'ont pas les compétences nécessaires pour poursuivre leurs études dans le cheminement normal sont dirigés vers des métiers semi-spécialisés comme commis de club vidéo, préposé au vestiaire, aide-concierge, plongeur ou poseur de pneus. Pour le président de la FAE, Pierre Saint-Germain, ces formations sont des «voies de garage», une façon détournée de cacher les décrocheurs. En effet, les élèves qui suivent ce type de cours ne sont pas considérés comme des décrocheurs par le ministère de l'Éducation (MELS).

En 2005, la Commission scolaire de Montréal comptait 21 groupes de formation préparatoire à un métier semi-spécialisé, selon le vice-président à la vie professionnelle de la FAE, Sylvain Mallette. En 2009, il y en avait 40, soit environ 800 élèves. «Ces formations ont toujours existé. Mais avant, c'était principalement des élèves en difficulté grave d'apprentissage ou atteints d'une déficience intellectuelle qui y allaient. Plus maintenant», dénonce M. St-Germain. Selon lui, la réforme de l'éducation n'a pas permis de traiter convenablement les EHDAA, qui sont de plus en plus nombreux à se tourner vers ces formations.

Un conflit qui perdure

Même si la FAE s'est entendue l'été dernier avec le gouvernement dans la cadre du renouvellement de sa convention collective, l'intégration des EHDAA n'a pas encore été réglée. Le comité paritaire mis sur pied par le gouvernement doit parvenir à une entente d'ici au 1er février. Plusieurs questions doivent encore être discutées, notamment le repérage des élèves en difficulté. Selon M. Mallette, le MELS veut éliminer les fameuses cotes qui permettent de détecter les élèves en difficulté. «Mais sans cote, comment pourra-t-on obtenir des services?» demande-t-il. «On veut éliminer les cotes pour ne pas être obligé de rendre les services qu'elles appellent», croit M. St-Germain.

Pour sensibiliser la population et le gouvernement à l'urgence de régler la situation des EHDAA, des centaines d'enseignants ont manifesté hier soir à Montréal, Granby, Rosemère et Gatineau. Au cabinet de la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, on assure que le dossier des EHDAA est toujours une priorité. Mais puisque des négociations sont en cours, on a refusé de commenter le dossier.

Beauchamp se fait «rouler dans la farine»

Par ailleurs, M. St-Germain reproche à la ministre Beauchamp, de ne pas être maître de son ministère. Selon lui, Mme Beauchamp, comme nombre de ses prédécesseurs, ne connaît pas assez le milieu de l'éducation et se fait «rouler dans la farine» par ses fonctionnaires. «La ministre tient un discours, mais l'appareil fait à sa tête», croit M. St-Germain.

La preuve: le bulletin chiffré que Québec compte implanter dans les écoles dès l'an prochain ne correspond pas du tout à ce qu'avait promis Mme Beauchamp, plaide la FAE. La ministre s'était engagée à ramener les connaissances au coeur de l'évaluation afin de rendre les bulletins plus compréhensibles pour les parents. Or, les grilles d'évaluation et les critères du nouveau bulletin, qui circulent depuis quelques semaines, montrent au contraire que ce sera comme avant, déplore M. St-Germain. «Le bulletin ne permettra pas davantage de donner l'heure juste aux parents. La ministre avait promis quelque chose, mais on constate que son ministère ne l'a pas écoutée», dit-il

L'attaché de presse de Mme Beauchamp, Dave Leclerc, assure que sa ministre est toujours déterminée à ramener l'évaluation des connaissances dans les bulletins. La preuve, le terme «compétences transversales» a été éliminé des évaluations. M. Leclerc dit écouter les différentes positions et être ouvert à des modifications d'ici au lancement du bulletin.