Il y a «urgence d'intervenir» pour maintenir les universités à flot, a plaidé lundi Line Beauchamp, ministre de l'Éducation. En conséquence, la hausse des droits de scolarité est inévitable. Mais de combien de millions les universités ont-elles besoin? Au terme du sommet d'une journée consacré à la chose, lundi, à Québec, ni la ministre Beauchamp ni Raymond Bachand, ministre des Finances, n'ont répondu à cette question.



En point de presse, les deux ministres ont plutôt insisté sur le fait que les universités des autres provinces canadiennes perçoivent des droits de scolarité autrement plus élevés que celles du Québec.

«En 1968, les étudiants payaient 26% des frais des universités. Aujourd'hui, ils en paient 13%. Ceux qui payent la différence, ce sont les contribuables», a dit M. Bachand.

Mme Beauchamp a tenu à corriger l'impression que les étudiants seraient les seuls à payer. Le gouvernement continuera de financer le réseau et les entreprises devront aussi contribuer, a-t-elle dit. Cependant, pour ce qui est des entreprises, elle a évoqué des mesures incitatives, mais non coercitives.

La journée a donné lieu à un dialogue de sourds. Dans le coin droit: les étudiants et les syndicats, qui réclament le gel des droits de scolarité, voire la gratuité scolaire, et qui dénoncent le fait que trop de subventions sont gaspillées en projets immobiliers mal planifiés. Dans l'autre, les recteurs, les gens d'affaires et le gouvernement, qui insistent sur la décrépitude des universités et sur l'importance de hausser les droits de scolarité.

Départ précipité

À la mi-journée, la salle s'est largement dégarnie quand les représentants étudiants et syndicaux, jugeant que les dés étaient pipés, ont décidé de quitter la rencontre.

«La Fédération étudiante universitaire du Québec ne peut rester à cette rencontre, et on ne sera pas seuls à partir», a déclaré Louis-Philippe Savoie, président de la Fédération étudiante universitaire du Québec.

Claudette Carbonneau, présidente de la CSN, a suivi, tout comme la FTQ, la CSQ et d'autres associations d'étudiants et de professeurs. «Nous n'avons pas l'habitude de fuir le débat, mais nous ne pouvons d'aucune façon cautionner une hausse des frais de scolarité, qui ont déjà terriblement augmenté», a dit Mme Carbonneau.

Raymond Bachand, ministre des Finances, s'est dit déçu de ce départ précipité, d'autant plus que la hausse des droits de scolarité était déjà annoncée dans son dernier budget. «Vous vouliez discuter d'autre chose, c'est votre droit, mais l'ordre du jour était clair», a dit M. Bachand.

Manifestation

Pendant que leurs représentants claquaient la porte, quelques dizaines d'étudiants ont déjoué l'escouade antiémeute et sont parvenus à deux pas de la salle où se tenaient les travaux. Ils ont été chassés sans qu'il y ait de casse.

Pendant la journée, des centaines d'étudiants des quatre coins du Québec ont bravé la tempête qui sévissait dans la Vieille Capitale pour manifester contre la hausse prévue. «J'veux m'instruire, pas m'endetter», «Charlemagne aurait dit non à la hausse des frais de scolarité» était-il écrit sur les pancartes.

Françoise David, présidente de Québec solidaire, a réclamé la gratuité scolaire jusqu'à l'université et plaidé pour que l'éducation «cesse d'être considérée comme un privilège.

Mathieu Traversy, député péquiste, s'est plaint, lui, que tout ce qu'il reste à décider, c'est de savoir «si l'on va hausser un peu ou passionnément les droits de scolarité».

Des étudiants en moyens

Le Conseil du patronat, désireux de démontrer que les étudiants sont capables de payer davantage, est arrivé à la rencontre avec un sondage Léger Marketing qui a passé au peigne fin leurs dépenses. On y apprend que 56% d'entre eux possèdent une voiture personnelle et que 70% dépensent 36$ par mois en moyenne pour un service d'accès l'internet. «Finalement, on remarque que la quasi-totalité des étudiants fréquentent les restaurants sur une base quasi hebdomadaire pour un total de 39$ en moyenne par semaine».

L'Institut économique de Montréal, lui, a demandé que les universités puissent elles-mêmes fixer leurs droits de scolarité.

La Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) croit elle aussi que les étudiants doivent payer leur juste part. «Il faut accepter de regarder la réalité en face et aller au-delà de la rhétorique et de la pensée magique selon lesquelles l'argent public sera toujours au rendez-vous. Il faut chercher des solutions courageuses, mais raisonnables», a dit Françoise Bertrand, présidente-directrice générale de la FCCQ.

Cependant, les chambres de commerce, tout comme bon nombre d'intervenants, lundi, ont remis en question le mode de gestion des universités.

«Le mode actuel de financement, par tête d'étudiant, a conduit les universités à des dérives regrettables, peut-on lire dans un communiqué de la FCCQ. La prolifération des programmes, certificats et autres offres de formation en témoignent. La concurrence s'exerce parfois en dehors de toute logique apparente et sans souci d'une coordination interuniversité. (...) Les universités, qui réclament à juste titre des ressources additionnelles pour s'acquitter correctement de leur mission, doivent faire un exercice d'autocritique.»

Les recteurs, par l'entremise de la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec (CREPUQ) demandent, eux que les droits de scolarité soient haussés de 504$ par année pendant trois ans à partir de 2012-2013. Au-delà de 2015, ils estiment qu'il faut déjà envisager d'autres hausses ou alors d'autres sources de financement.