Le projet de loi 103 proposé par le gouvernement Charest pour régler le problème des écoles passerelles confirme plutôt «le libre choix de la langue d'enseignement pour ceux qui ont les moyens de payer».

Aussi, assujettir carrément ces écoles à la loi 101 devient «une question d'équité», estime Guy Dumas, qui a été pendant 20 ans le principal fonctionnaire responsable du dossier linguistique à Québec.

Maintenant à la retraite, M. Dumas a été nommé secrétaire du bureau de la politique linguistique dès l'époque de Claude Ryan, en 1988. Le poste s'est transformé avec le temps pour devenir celui de sous-ministre associé, que M. Dumas a occupé jusqu'à la fin de 2008.

Décidé à exprimer «son point de vue de citoyen», l'ancien mandarin prend des distances importantes vis-à-vis du projet de loi 103, soumis par son ancienne patronne, Christine St-Pierre. Le projet de loi, dont l'étude en commission parlementaire s'est terminée hier, prévoit que les élèves pourront toujours passer par ces écoles anglaises non subventionnées avant d'accéder au réseau scolaire public, mais qu'ils devront y rester plus longtemps et justifier d'un parcours «authentique» en anglais avant d'avoir le droit de le faire.

M. Dumas estime que le projet de loi permettrait à des élèves qui n'en ont actuellement pas le droit d'accéder au réseau scolaire anglophone privé, non subventionné, pendant un certain temps. On retient des critères bien subjectifs pour évaluer «l'authenticité» du parcours de l'élève. «Est-ce à dire sa sincérité à vouloir s'angliciser ou «s'anglophoniser»? demande l'ex-fonctionnaire. «C'est comme le libre choix pour ceux qui on les moyens et, en prime, c'est l'ensemble des citoyens qui finit par payer la note», une fois que l'élève peut entrer dans le réseau subventionné anglophone.

«Cela aurait notamment pour conséquence, à terme, que l'anglicisation de ces élèves francophones et immigrés se ferait aux frais des contribuables québécois!» déplore Guy Dumas.

«La question d'assujettir les écoles passerelles aux critères de la Charte soulève un principe d'équité qu'il est difficile d'ignorer dans une loi aussi fondamentale pour le Québec que la Charte de la langue française», croit M. Dumas. En cela, il rejoint la recommandation du Conseil supérieur de la langue française et de son président, Conrad Ouellon, qui estime que Québec devrait tout simplement assujettir les écoles anglophones non subventionnées à la loi 101.

Dans le passé, la volonté des gouvernements de colmater définitivement cette brèche «était claire»: en 2002, ils ont voulu «corriger la dérive» en adoptant des modifications à la Charte - changements que la Cour suprême a invalidés.

Clause dérogatoire

Au passage, M. Dumas relève que les juristes ne s'entendent pas sur la nécessité de recourir à la clause dérogatoire de la Constitution dans les circonstances. On devrait selon lui tester cette avenue. L'imposition de la loi 101, même avec le recours à la clause dérogatoire, n'aurait pas le même effet de ressac qu'en 1988, quand le gouvernement Bourassa y avait eu recours pour prohiber l'affichage extérieur en anglais.

Plus tard, le ministre Claude Ryan a utilisé la clause dérogatoire dans l'affaire des écoles confessionnelles «sans que cela soulève la colère internationale» - l'un des arguments de la ministre St-Pierre.

Enfin, ajoute M. Dumas, ces écoles n'auraient jamais vu le jour si les parents francophones et allophones étaient satisfaits de la qualité de l'enseignement de l'anglais. Il est plus que temps qu'on l'améliore: «Il y a au moins trois décennies que les parents le demande», observe M. Dumas.