Plus de 300 écoles primaires du Québec ne sont plus considérées comme «défavorisées» par le ministère de l'Éducation, a appris La Presse. Juste avant que la baisse du nombre d'élèves par classe en troisième et quatrième années en milieu défavorisé n'entre en vigueur à la rentrée, ces écoles ont su qu'elles ne se qualifiaient plus pour cette nouvelle mesure.

Curieusement, ces 323 «bâtiments avec la présence d'élèves de niveau primaire», dans le jargon du Ministère, ont toujours droit aux ratios réduits en maternelle ainsi qu'en première et deuxième années. Défavorisés quand ils sont petits, leurs élèves ne le sont soudainement plus quand ils atteignent la troisième année, vers 8 ans.

«C'est tragique», a dit Diane Latour, éducatrice spécialisée à l'école Saint-Louis de Terrebonne, qui n'est officiellement plus défavorisée, au grand étonnement de son personnel. Conséquence : l'école a perdu le droit aux classes réduites en troisième et quatrième années, et son budget supplémentaire (accordé en vertu du programme Agir autrement) a fondu de 85 000 $ à 40 000 $.

«Pourtant, la situation socio-économique est loin de s'améliorer dans notre milieu», ont fait valoir la directrice de l'école Saint-Louis et la présidente de son conseil d'établissement dans une lettre envoyée à la ministre de l'Éducation.

«Il n'y a pas eu de changement de clientèle ou de construction autour de l'école, a confirmé à La Presse Maud Mercier, enseignante à Saint-Louis depuis 1997. Les gens vivent dans des immeubles à logements multiples, ils sont démunis.»

Le faible revenu n'est plus pris en compte

L'explication ? Le Ministère ne prend plus en compte l'indice de faible revenu (basé sur la proportion de familles avec enfant mineur sous le seuil de quasi faible revenu) pour dresser la liste des écoles défavorisées qui ont droit aux baisses de ratio. Il ne considère que l'indice de milieu socio-économique (basé sur la proportion de familles avec enfant mineur où aucun parent ne travaille et de celles où les mères n'ont pas de diplôme d'études secondaires). Autre changement : les données sont tirées pour la première fois du recensement de 2006.

«On ne fonctionne plus qu'avec l'indice de milieu socio-économique parce qu'il est davantage axé sur la réussite scolaire, a fait valoir Kim Ledoux, attachée de presse de la ministre de l'Éducation. L'indice du seuil de faible revenu, qui mesure la pauvreté économique, est davantage utilisé pour les mesures alimentaires.»

Résultat du nouveau calcul : 323 écoles primaires ont perdu leur place parmi la liste des écoles défavorisées. Et seules 180 s'y sont ajoutées.

La FSE dénonce la situation

«Il y a des milieux dont la situation n'a pas changé, mais qui n'ont plus les ressources prévues l'an dernier, a dénoncé Manon Bernard, présidente de la Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE). Nous, ce qu'on veut, c'est que la baisse de ratios en milieux défavorisés réponde aux besoins.»

«Selon la nouvelle carte de défavorisation, ces bâtiments ne sont plus défavorisés, donc ils n'ont pas droit aux baisses de ratio en troisième et quatrième années «, a tranché Mme Ledoux. Si les baisses de ratio sont maintenues en maternelle, première et deuxième années, «c'est parce que c'est dans la convention collective des enseignants», a-t-elle expliqué.

Au grand total, 950 écoles primaires ont donc droit, cette année, aux classes réduites en maternelle, première et deuxième années, tandis que 627 y ont droit en troisième et quatrième années, comme le confirme la Liste des bâtiments en milieux défavorisés retenus pour la baisse des ratios en troisième et quatrième années du primaire selon les paramètres initiaux 2009-2010, que La Presse a obtenue.

«J'entends la ministre parler de contrer le décrochage et de statistiques, a dit Mme Latour, de l'école Saint-Louis. Sait-elle que, dans la vraie vie, nous avons cette année une classe de troisième année de 29 élèves, dont 14 ont un plan d'intervention ?» Si les ratios avaient été réduits comme prévu, il y aurait eu 24 élèves au maximum.