La Commission scolaire de Montréal (CSDM) a envoyé une cinquantaine d'élèves consulter des orthophonistes en bureau privé, à ses frais, depuis septembre, a appris La Presse. «C'est une pratique qui a lieu étant donné la pénurie d'orthophonistes», a confirmé Alain Perron, porte-parole de la CSDM.

Six postes d'orthophoniste sont actuellement à combler à la CSDM. «Quand on n'a pas un de nos orthophonistes sous la main, on va se tourner vers le privé», une pratique qui a lieu depuis quatre ans, a expliqué M. Perron. Le coût est de 500 $ à 800 $ par enfant. «Peu importe la pénurie, aucun élève n'est laissé sur la touche», a-t-il assuré.

Petite différence à la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB), où une firme privée «vient dans nos écoles trois ou quatre jours par semaine», a indiqué Brigitte Gauvreau, sa porte-parole. Cette «sous-traitance» existe depuis trois ans, «mais c'est la première année qu'on y recourt jusqu'à quatre jours par semaine», a-t-elle précisé. Le coût : 450 $ par jour, soit 30% plus cher que pour le personnel interne.

Neuf orthophonistes de la CSMB sont en congé (souvent de maternité), ce qui a forcé le recours au privé. Des postes temporaires ont aussi été créés. Malgré tout, trois postes demeurent vacants, si bien qu'il a fallu former à l'interne «une équipe volante qui va combler les besoins urgents des milieux», a dit Mme Gauvreau.

Pénurie relative

Quant à la pénurie d'orthophonistes, elle est... relative, selon Marie-Pierre Caouette, présidente de l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec. «Le paradoxe, c'est que tous les endroits qui disent ne pas arriver à recruter des orthophonistes en trouvent en pratique privée, a-t-elle observé. Techniquement, il ne manque plus tant que ça d'orthophonistes. Mais il y a certainement un problème au niveau de la gestion et de l'organisation des postes.»

«Les conditions de travail expliquent en bonne partie la pénurie d'orthophonistes en milieu scolaire», a indiqué Jean Falardeau, président de la Fédération des professionnels de l'éducation du Québec. Passer le clair de son temps en voiture pour aller dans 10 écoles différentes est moins intéressant que de travailler dans un seul centre de réadaptation ou en pratique privée, illustre-t-il.

«C'est un choix de qualité de vie et de qualité de pratique, pour faire des interventions qui vont être efficaces et changer la vie des gens, a dit Mme Caouette. On remarque cette tendance-là de façon assez importante.»

En milieu scolaire, les orthophonistes évaluent les difficultés de parole et de langage des enfants, puis mettent en oeuvre un traitement pour les aider. Mais ils se plaignent de ne pas avoir le temps de bien le faire et craignent d'être écartés.

«On cherche présentement à savoir qui pourrait faire les évaluations du langage et les traitements à la place des orthophonistes, a dénoncé Mme Caouette. On veut priver la population de l'accès aux personnes les plus compétentes pour le faire.»

Vingt orthophonistes recrutés en Belgique

Bonne nouvelle pour les parents qui cherchent un orthophoniste: la pénurie est en voie d'être résorbée, grâce aux universités qui en forment davantage.

L'Université de Montréal a admis 72 étudiants en orthophonie l'automne dernier, comparativement à 60 l'année précédente et 50 les années antérieures. À l'Université Laval, 50 étudiants feront leur entrée dans le programme en septembre. «C'est 8 de plus que l'an dernier, 15 de plus qu'il y a deux ans», a indiqué Sarah Sanchez, porte-parole de l'Université Laval. McGill a aussi augmenté le nombre de places de 25% il y a cinq ans.

Une nouvelle école d'orthophonie, offrant 35 places de plus, doit ouvrir à l'Université du Québec à Trois- Rivières «d'ici deux ans», a annoncé Marie-Pierre Caouette, présidente de l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec.

Solution plus originale, 20 orthophonistes belges ont été recrutés il y a deux semaines, lors d'une mission de l'Ordre des orthophonistes. «Ils vont venir travailler au Québec dans les prochains mois», a assuré Mme Caouette.