La Cour supérieure ordonne à un père, membre du groupe religieux la Mission de l'Esprit-Saint de Joliette, d'inscrire son fils de 12 ans à l'école publique. Il l'en avait retiré «depuis au moins 2006», sans le consentement de la mère dont il est divorcé, selon le jugement daté du 4 mai.

Depuis son retrait de l'école, le garçon «s'instruit lui-même, à la maison, sans supervision de professeurs qualifiés sur place», en vertu d'un programme qui n'est pas reconnu par le ministère de l'Éducation, précise le jugement. C'est sa mère qui a présenté une requête demandant l'inscription de Jérôme (prénom fictif) dans une école publique.

Même s'il est scolarisé à la maison, le garçon n'a pas été évalué par la commission scolaire des Samares (dont il relève) depuis 2006, parce que sa mère refuse de signer une demande de dispense de fréquentation scolaire.

La commission scolaire avoue son impuissance

Diane Collin, de la commission scolaire des Samares, a expliqué à la Cour qu'environ 200 dispenses ont été accordées à des enfants de son territoire. «La vaste majorité pour des enfants de familles faisant partie de la Mission de l'Esprit-Saint», a-t-elle précisé. Ces dispenses sont accordées en se fondant sur ce que les parents se proposent de donner à leurs enfants comme scolarité, «sans que des vérifications soient effectuées», souligne le jugement. Mme Collin « avouant candidement que de telles vérifications ne sont pas faites parce que la commission scolaire n'a pas «le pouvoir de les faire», note le juge Julien Lanctôt.

Le magistrat a indiqué que la formation scolaire offerte à Jérôme n'est pas équivalente à ce qui est dispensé à l'école et qu'il «entretient des doutes sérieux» sur la capacité d'un enfant de 12 ans à étudier seul. Il a aussi pris en compte les problèmes éprouvés par la soeur de Jérôme (entendue à l'audience) lorsqu'elle était sous la garde de son père.

«Le meilleur intérêt de l'enfant, dans les circonstances décrites au présent dossier, consiste à ce qu'il fréquente une école conventionnelle», écrit le juge. Il ordonne au père d'inscrire le garçon dans une école publique reconnue par le Ministère, située près d'où il réside, dans un délai de 30 jours et de s'assurer qu'il la fréquente. À défaut de quoi, sa mère pourra l'inscrire à l'école sans l'autorisation du père.

Pour le bien des enfants de la Mission

«Madame paie (pour obtenir ce jugement), elle n'est pas appuyée par le ministère de l'Éducation ou la commission scolaire, c'est dommage», a commenté Louise St-Amour, avocate de la mère. Elle a ajouté que la mère avait fait cette démarche pour le bien de son fils, mais aussi pour les autres enfants de la Mission de l'Esprit-Saint.

Me Yannick Morin, avocat du père, a indiqué que son client n'irait pas en appel. «Il était un peu débiné, mais il va se conformer à la décision», a-t-il dit.

La Mission de l'Esprit-Saint est un groupe religieux dont la devise est «La régénération de l'humanité par l'eugénisme». L'Institut Laflèche, une école illégale où étaient scolarisés les enfants de la Mission, a été fermée par ordonnance de la Cour supérieure en 2007. Depuis, les enfants de la Mission sont pour la plupart scolarisés à la maison ou dans des écoles clandestines situées dans des résidences privées, comme le rapportait La Presse en mars dernier.