L'ambitieux Institut national de la pierre, une école privée de maçonnerie à laquelle était associée l'Université McGill, est mort et enterré à Montréal. Victime d'un imbroglio bureaucratique, le projet de 17 millions, qui devait former une centaine de maçons chaque année dans la tradition du compagnonnage français, verra plutôt le jour à Sorel-Tracy, a appris La Presse.

Le promoteur du projet, Paul Sauvé, est ulcéré. Le 20 novembre dernier, après plusieurs avis d'infraction, l'arrondissement lui a ordonné de quitter l'ancienne tonnellerie qu'il voulait transformer en école. Le vieux bâtiment est utilisé depuis deux ans comme entrepôt, sans permis municipal mais en vertu d'une entente avec le ministère des Transports.

 

«On avait engagé un formateur, 80 personnes s'étaient inscrites, tout était prêt à partir, dit M. Sauvé. Mais là, on a assez perdu de temps et d'argent. Notre premier choix était Montréal, mais Sorel nous court après depuis six mois.»

Sorel-Tracy a réellement déroulé le tapis rouge pour le promoteur. Le conseil municipal a adopté une résolution lui offrant un immeuble près du cégep, sur un terrain de plus d'un million de pieds carrés, pour la modique somme annuelle de 1$ pour les 99 prochaines années.

Le «seul» projet respectueux

Il y a deux ans, le projet d'Institut national de la pierre avait pourtant suscité l'unanimité dans l'arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve. Cette école qui se serait installée dans l'ancienne tonnellerie, en face de l'usine Sucre Lantic rue Notre-Dame, avec ses résidences étudiantes, ses ateliers et ses locaux, correspondait à la volonté de revitaliser ce secteur.

Il y a moins d'un an, en janvier 2008, la mairesse de l'arrondissement, Lyn Thériault, avait fait parvenir une lettre fort élogieuse au promoteur Paul Sauvé. «Ce projet nous paraît le seul qui, à ce jour, concilie le respect de la valeur patrimoniale du bâtiment avec le développement d'un projet d'affaires structurant pour ce secteur», avait écrit la mairesse.

Le bâtiment, abandonné depuis 1988, a été occupé en avril 2007 par l'entreprise de Paul Sauvé. L'entente de deux ans signée avec le propriétaire, le ministère des Transports, permettait à LM Sauvé d'utiliser le site «à des fins d'entreposage». Le protocole spécifiait toutefois que le promoteur devait obtenir tous les permis nécessaires et rendre le bâtiment conforme aux règlements sur les incendies, notamment.

C'est sur ce plan que tout a dérapé.

Dès le début, en 2007, l'entrepreneur a effectué des rénovations sans permis au vieil édifice. Elles ont été arrêtées par l'arrondissement puis autorisées quand les permis ont été accordés. Autre hic, le zonage ne permet pas l'ouverture d'une école à cet endroit. «L'arrondissement était favorable à une telle initiative et attendait avec impatience sa demande de permis. Cette demande n'est jamais venue», dit Claire Bourassa, porte-parole de l'arrondissement. Le promoteur aurait dû demander une exception au zonage, un «projet particulier de construction» dans le jargon, ce qu'il n'a pas fait.

De plus, cet été, une interruption en alimentation d'eau a rendu l'édifice non sécuritaire, puisque les gicleurs ne pouvaient plus fonctionner. Enfin, en novembre dernier, l'arrondissement a décidé de sévir en constatant qu'on utilisait le site de l'ancienne tonnellerie pour l'entreposage. Des constats d'infraction et des demandes de correctifs ont été envoyées au promoteur le 18 novembre. LM Sauvé a répondu en acceptant de corriger la situation.

Deux jours plus tard, l'arrondissement a envoyé un avis d'évacuation.

Chez LM Sauvé, on se défend en expliquant que la situation de la tonnellerie est un casse-tête bureaucratique.

«L'arrondissement nous avait dit que le permis de transformation serait suffisant en attendant que la situation se régularise avec le MTQ, en ce qui concerne l'achat du site», explique Alexandra Généreux, de LM Sauvé.

En ce qui concerne l'entreposage, «l'arrondissement était au courant qu'il y en avait à cet endroit et il a décidé de tolérer la situation» jusqu'au 18 novembre dernier, ajoute la porte-parole.

Du côté du ministère des Transports, on s'est dit «déçu» de l'abandon du projet. Propriétaire depuis 1974 de l'ancienne tonnellerie - on avait exproprié Sucre Lantic pour l'agrandissement de la rue Notre-Dame -, le MTQ tentait de confier cet immeuble classé «significatif» à un partenaire privé.