À en croire une étude de cas menée dans une université canadienne, les femmes qui enseignent à l'université doivent savoir qu'elles peuvent avoir jusqu'à trois fois moins de chances d'obtenir une prime que leurs collègues masculins.

Telle est la conclusion à laquelle en arrivent Christine Doucet, Claire Durand et Michael Smith, tous trois professeurs québécois et auteurs d'une étude qui vient d'être publiée dans la Revue canadienne d'enseignement supérieur.

«Des études se sont déjà penchées sur les écarts de salaire de base entre les professeurs des deux sexes, mais à notre connaissance, c'est la première fois qu'une étude est menée sur le système de primes», explique Christine Doucet, auteure principale.

Ces primes qui se négocient à l'extérieur des conventions collectives s'ajoutent au salaire statutaire des professeurs établi par la convention collective. Elles visent à attirer des professeurs qui iraient autrement voir ailleurs. Parce qu'elles sont confidentielles, il n'est pas facile d'y voir clair et de savoir qui obtient quoi. Aussi, les auteurs ont-ils garanti aux interviewés la confidentialité. Même en insistant auprès des auteurs de l'étude, impossible, donc, de leur faire dire sur quelle université ils ont enquêté.

Chose certaine, le système de primes est devenu monnaie courante partout au Canada. Sur les 90 universités et collèges canadiens, 35 admettent en verser, peut-on lire dans l'étude.

Plusieurs enquêtes et études ont déjà démontré que les salaires de base des professeurs de sexe féminin est moindre que ceux de leurs confrères. Entre autres études citées dans la Revue canadienne d'enseignement supérieur, se trouve celle de Sussman et Yssaad qui, en 2005, concluait de façon générale à des écarts salariaux de 15%. À profil égal, cet écart variait entre 4% et 6%.

Dans la présente étude, les auteurs y sont allés d'un sondage distribué à 1249 professeurs et chercheurs. Le taux de réponse: 51,6%.

Des ententes secrètes

Difficile de délier les langues quand il s'agit d'ententes négociées derrière des portes closes.

Difficile de savoir aussi pourquoi, de façon manifeste, les femmes sont désavantagées par un système de primes. Les auteurs ont étudié la question des primes par domaine les sciences sociales, de la santé, etc. Or, dit Mme Doucet, à l'intérieur des sciences sociales, il reste qu'un économiste risque d'être plus couru qu'un anthropologue. Le fait que les femmes choisiraient peut-être encore des disciplines moins rémunérées n'est donc pas une hypothèse à exclure.

Par contre, les chercheurs doutent fortement que les obligations familiales puissent jouer de quelque manière que ce soit. Après tout, notent les auteurs, «vu le nombre limité d'heures pour lesquelles les professeurs se rendent disponibles aux étudiants», il n'est pas très difficile pour les professeurs de jongler entre leurs heures de bureau, leurs activités de recherche et leurs obligations familiales. Le travail de professeur d'université offre une flexibilité nettement plus grande que bon nombre d'autres professions, admettent les auteurs de l'étude.

Cette étude de cas sur une université canadienne a certes ses limites, dit d'emblée Claire Durand, coauteure et sociologue, et la question suscitera certainement d'autres recherches.

N'empêche, ces premiers résultats sur le système de primes dans les universités ne sont pas sans rappeler, selon Mme Durand, les doléances de journalistes de Radio-Canada qui, étude à l'appui, ont dénoncé en 2003 un système de primes tout semblable qui désavantageait les femmes à l'antenne.