Montréal veut des tramways. La Rive-Sud réclame encore son train léger. Laval songe aux trolleybus. Et on aimerait bien, dans les municipalités des banlieues, que les trains assurent un peu plus de service hors des périodes de pointe, le soir et les fins de semaine.

Les grands projets de transports collectifs ne manquent pas à Montréal et dans les banlieues. Il y en a pour des milliards. Au cours des prochaines années, les études ne manqueront pas, non plus, pour appuyer la pertinence de tous ces projets. Il y a seulement l'argent qui risque de manquer.

Devant une liste de grands projets de transports en commun totalisant 11 milliards que lui tend La Presse, le sous-ministre adjoint responsable de la région de Montréal pour le ministère des Transports du Québec (MTQ), Jacques Filion, fait la moue. Le prochain Plan de mobilité durable de la région métropolitaine, que le Ministère prévoit rendre public d'ici à 2012, va en tenir compte. Même si on ne peut promettre que tous ces projets y seront inclus.

«Ce plan, dit-il, va être important, parce qu'il va englober les priorités qui sont mises de l'avant par toutes les municipalités. Il faut proposer des solutions globales aux problèmes de mobilité, des solutions à l'échelle métropolitaine. Le plan va servir à déterminer quels projets sont les plus intéressants à ce titre, ceux qui ont une plus-value pour l'ensemble de la région.»

En attendant le futur plan du ministère, Paul Lewis, professeur titulaire à l'Institut d'urbanisme de l'Université de Montréal, s'interroge sur les critères qui serviront à établir la priorité des interventions, à choisir un projet plutôt qu'un autre.

Selon lui, «on n'a pas assez fait progresser les transports collectifs depuis 10 ans, et chaque année perdue amplifie les problèmes de mobilité. Car une année perdue, ce n'est pas juste un an de retard. C'est toute une année durant laquelle des gens se sont installés par milliers dans des quartiers qui sont mal desservis par les réseaux de transports actuels, surtout dans les banlieues plus éloignées.»

Des trains de banlieue, souligne-t-il, permettraient à plus de résidants des banlieues d'accéder à Montréal sans leur automobile. Mais leur construction coûte cher.

À titre d'exemple, le train de l'Est, entre Montréal et Mascouche, coûtera près de 500 millions à construire, pour une clientèle à moyen terme de 10 000 usagers. Et seulement 30% de ces usagers, environ 3000 personnes, seront des automobilistes convertis aux transports en commun, selon des déclarations récentes du président de l'Agence métropolitaine de transport, Joël Gauthier.

«Alors qu'un tramway, aménagé dans un grand couloir de déplacements comme l'avenue du Parc, à Montréal, peut transporter beaucoup plus de monde et pourrait aider à soulager la congestion dans le centre de l'agglomération. Sauf qu'en dehors de l'hôtel de ville, les projets de Montréal ne semblent avoir aucun appui, ni en banlieue ni à Québec.»

Créer des projets efficaces

À la Ville de Montréal, la responsable des transports de l'administration du maire Gérald Tremblay, Manon Barbe, soutient que le réseau initial de tramways projeté au centre-ville et dans le secteur de Côte-des-Neiges pourrait attirer une clientèle de 50 000 personnes par jour. Les études d'affluence actuellement en cours, affirme-t-elle, montrent un potentiel de 32 millions de déplacements par année - ce qui équivaut à deux fois la clientèle de tous les trains de banlieue de la métropole réunis!

«Les gens sont prêts à adhérer aux transports en commun, dit-elle, si on peut offrir des services efficaces qui répondent à leurs besoins en déplacements. Les décideurs sont prêts, aussi. Les engagements récents du gouvernement du Québec pour l'achat des nouvelles voitures du métro, pour le train de l'Est et un service rapide par bus sur le boulevard Pie-IX sont là pour le prouver.»

Il reste à trouver l'argent nécessaire. À eux seuls, les trois projets dont parle Mme Barbe vont coûter environ 3,3 milliards. Les coûts estimés des tramways à Montréal s'élèvent à 750 millions.

La construction des futurs ateliers d'entretien des trains de banlieue et des travaux d'infrastructures ferroviaires pour améliorer la performance de ce réseau, que le gouvernement du Québec s'est engagé à financer, ajouteront près de 500 millions.

Et on n'a même pas encore parlé des prolongements du métro projetés à Montréal, à Longueuil et à Laval.

«D'habitude, on réalise un grand projet par décennie, souligne Paul Lewis. Dans les années 60, on a fait les premiers tronçons du métro, et dans les années 70, on a prolongé les lignes verte et orange. La ligne bleue a été construite dans les années 80. Dans les années 90, on a remis au monde des trains de banlieue, et dans les années 2000, on a fait le métro de Laval.»

«Ce n'est pas à ce rythme-là qu'on va réussir à rattraper le temps qu'on a perdu», conclut-il.