La Sûreté du Québec (SQ) ne s'est pas limitée aux employés du bas de l'échelle dans son enquête sur la tragédie de Lac-Mégantic. Les policiers québécois ont visé haut: ils se sont rendus en banlieue de Chicago aux États-Unis pour perquisitionner au siège social de  Railworld Inc., société-mère de la Montreal, Maine & Atlantic Railway (MMA) et interroger plusieurs dirigeants, dont le grand patron, Ed Burkhardt.

Dans son rapport déposé cette semaine, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) pointe du doigt la «culture» de la MMA comme un facteur ayant contribué à la tragédie ferroviaire qui a coûté la vie à 47 personnes dans la nuit du 5 au 6 juillet 2013. «La faible culture de sécurité de la MMA a contribué à la perpétuation de conditions dangereuses et de pratiques dangereuses, et a compromis la capacité de la MMA de gérer efficacement la sécurité», précise le document.

La SQ a tenté de voir si des personnes en haut lieu pouvaient être tenues criminellement responsables de cet état de fait. Grâce à l'association mondiale de police Interpol, ses agents ont obtenu quatre accords pour opérer aux États-Unis avec l'aide des autorités locales, en vertu d'un traité d'assistance judiciaire mutuelle.

«Ça a permis d'aller rencontrer des hauts dirigeants de la compagnie aux États-Unis», raconte le lieutenant Michel Brunet, porte-parole du corps policier. Il confirme par ailleurs que le grand patron de l'entreprise, Ed Burkhardt, est de ceux qui ont été questionnés à l'étranger. «Nous avons aussi perquisitionné là-bas et saisi énormément de documents», ajoute-t-il.

Mille pièces à conviction

Ces démarches au sud de la frontière s'ajoutaient à tout le travail effectué au Québec pour remonter le plus haut possible dans la chaîne de responsabilité.

«Dans cette enquête-là, on a rencontré 230 témoins et saisi environ 1000 pièces à conviction, dont plusieurs tonnes de métaux divers», ajoute le lieutenant Brunet.

Lorsque le dossier a été remis au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), la preuve a seulement permis de déposer des accusations criminelles contre la compagnie en tant que personne morale et contre trois employés québécois: le chef de train Tom Harding, Jean Demaitre et Richard Labrie. Les hauts dirigeants américains n'étaient pas du nombre.

Mais au DPCP, le porte-parole René Verret assurait hier que ce genre de dossier «n'est jamais terminé».

«On ne ferme jamais complètement la porte. Le procureur au dossier a déjà lu le rapport du BST, il va en faire une analyse approfondie. Et si, à sa lumière, il y a des éléments de preuve additionnels qui peuvent être demandés aux policiers, il peut toujours y avoir de nouvelles accusations un jour», dit-il.

Il a été impossible de joindre Ed Burkhardt en fin de journée hier.