Le temps s'est arrêté, dans la nuit de samedi à dimanche, à Lac-Mégantic, pour marquer le premier anniversaire de la tragédie ferroviaire qui a fauché la vie de 47 personnes dans la petite municipalité des Cantons-de-l'Est.

À 1 h 14, exactement un an, à la minute près, après le déraillement du convoi de pétrole qui a provoqué la déflagration meurtrière, la population de Lac-Mégantic - la mairesse Colette Roy Laroche en tête - a observé une minute de silence.

Quelques instants plus tôt, la mairesse s'était adressée aux Méganticois qui avaient rempli l'église Sainte-Agnès.

«Même la nuit la plus sombre prendra fin et le soleil se lèvera», a-t-elle déclaré, citant l'écrivain Victor Hugo.

Seuls quelques reniflements dans la foule trahissaient les larmes qui coulaient silencieusement sur les joues.

Cette messe «réconfort» a été suivie d'une marche silencieuse devant la zone sinistrée, désormais surnommée «le trou».

C'est seulement au cours de ces cérémonies que tout le chagrin de la population est remonté à la surface. La nuit contrastait d'ailleurs avec les activités de la journée, moins intimistes et davantage tournées vers l'avenir.

Dès midi, la mairesse a donné le coup d'envoi à cette journée devant une centaine de personnes. Contrairement à la veille, où elle était apparue émotive et fatiguée, elle affichait un visage plus serein samedi matin. «Je suis heureuse de vous voir», a-t-elle dit à la vue de plusieurs habitants.

«Nous avons l'impression que nos vies sont en suspens, en attente», a-t-elle affirmé lors de son discours, avant d'ajouter qu'elle souhaitait que les cérémonies et activités du week-end «permettent à la vie de reprendre vraiment son cours».

Des activités participatives

Les activités ont été organisées de façon à favoriser la participation des citoyens. Elles symbolisaient la reprise de la vie des différents éléments de la Terre affectés par la tragédie, soit l'eau, la terre, l'air. Le feu toutefois a été remplacé par le ciel.

Béland Audet, du comité organisateur de la commémoration, confirme que le groupe s'est posé la question au sujet de la représentation du feu, et il a été décidé qu'il serait illustré de façon discrète sous forme de lumière, c'est-à-dire les petites étoiles distribuées aux résidants.

Le comité, auquel siégeaient deux familles endeuillées, avait d'abord pensé faire sonner les cloches de l'église Sainte-Agnès 47 fois en mémoire des 47 victimes, à 1 h 14 de la nuit. L'idée a été abandonnée, la sobriété ayant été privilégiée.

Le retour à la vie de l'eau a d'abord été souligné avec l'ensemencement de 5000 poissons devant plusieurs enfants fascinés de pouvoir prendre les truites dans leurs mains.

Luce Robineau, propriétaire de la boutique ID-folle, a participé aux différentes activités. «Mais la marche à 1 h 14 est l'activité la plus importante pour moi», dit-elle.

La journée marquait une nouvelle étape pour la commerçante, dont la boutique a été complètement détruite par le train. Elle a depuis racheté une boutique au nord de la ville. À son commerce de création artisanale, elle a ajouté une auberge et accueillait samedi ses premiers «chambreurs».

Pour «la suite des choses»

Pour Diane Lacroix, rencontrée en matinée, cette journée de commémoration est importante pour la «suite des choses». «Les gens ont fait un bout de chemin, mais il y a encore beaucoup de tristesse», ajoute-t-elle. Cette employée du CPE Sous les étoiles a trouvé beaucoup de réconfort chez les enfants, parmi lesquels on compte maintenant des orphelins. «On voit qu'ils sont bien, on trouve beaucoup d'inspiration dans leur résilience.»

À la terre contaminée, les citoyens ont répondu en plantant des fleurs dans le Jardin du 6 juillet. Sylvie et Gervaise Mercier, qui ne savaient pas que la Ville fournissait les fleurs, avaient apporté leur propre géranium rouge. Elles ont tout de même pu le planter en mémoire de cinq proches disparus il y a un an. «Ça me fait chaud au coeur de voir ça», a-t-elle dit en regardant la boule rouge dans un parterre violet.

L'envolée de 460 papillons devant le Jardin du 6 juillet a été particulièrement rassembleuse. Les yeux de Victor, 8 ans, Cécilia, 6 ans, et Jasmine, 3 ans, brillaient en regardant les monarques posés sur leurs mains. Les trois enfants, qui étaient en visite chez leurs grands-parents à pareille date l'an dernier, étaient de retour cette année. Il s'agit d'un hasard, mais il permet ainsi aux grands-parents de boucler une boucle de façon positive.

«L'an dernier, on les avait occupés dans la journée pour ne pas qu'ils aient peur du gros panache de fumée», explique Gilles Lachance. «Mais cette année, on leur a expliqué qu'un train avait déraillé et que des personnes étaient mortes», poursuit Chantal.

Tout au long de la journée, les habitants ont regardé avec le sourire les enfants s'amuser grâce à ces activités. Mais peu importe où les regards se posaient, on pouvait presque toujours apercevoir cette zone sinistrée qui défigure toujours le paysage. Le trou du centre-ville continue de rappeler aux Méganticois celui qu'ils ont en plein coeur. Symboliquement, les Méganticois ont commencé à tourner la page. Mais le véritable tournant s'amorcera lorsqu'ils auront des commerces de proximité, de bons restaurants et un Musi-Café. Un centre-ville, tout simplement.