Les commémorations s'amorcent à Lac-Mégantic alors que la blessure laissée par le déraillement du train est encore béante, avec une zone sinistrée qui défigure toujours le centre-ville et ses commerces à demi démolis. Devant l'ampleur de la tâche à accomplir, la mairesse Colette Roy Laroche a voulu faire preuve de résilience, vendredi, mais elle a néanmoins laissé planer le doute quant à la fin de son mandat prévue dans un an.

C'est d'une voix tremblant d'émotion que la mairesse s'est présentée devant les médias, vendredi, pour dresser son bilan de la dernière année. En plus de composer avec les commémorations de la tragédie du 6 juillet, la mairesse est au chevet de son mari gravement malade.

«J'ai été plutôt discrète au cours des dernières semaines, non par choix, mais par obligation, alors que je dois faire face à une épreuve personnelle», a-t-elle dit, réprimant ses sanglots avant de se ressaisir.

En 12 mois, la mairesse, qui ne s'est accordé qu'une semaine de vacances en un an, a toujours mis un point d'honneur à être à la hauteur de son surnom «la dame de Granit».

«Je porte les difficultés de ma communauté et je tente de les porter avec le plus de force possible pour que le maire de la municipalité soit aussi la personne sur qui on peut compter, a-t-elle affirmé. C'est comme ça que je me suis sentie toute l'année.»

Quand elle repense à sa dernière année, Mme Roy Laroche se dit qu'heureusement, elle ne se doutait pas de tout ce qui l'attendait. «Plus les semaines passaient, plus les dossiers se multipliaient, plus la situation globale devenait complexe, et plus les questions, les besoins et les problèmes étaient sans réponse», a-t-elle expliqué, tout en reconnaissant que la reconstruction de sa ville n'avançait pas au rythme prévu.

Si elle concède qu'il n'existe pas de «manuel d'instructions» pour se remettre d'une telle catastrophe, elle a néanmoins déploré que les programmes d'aides fédéraux et provinciaux ne tiennent tout simplement pas compte de la réalité sur le terrain à Lac-Mégantic.

D'un ton ferme et déterminé, cette fois, la mairesse a assuré que la Ville continuerait de réclamer des programmes d'aides adaptés et d'exiger des lois sur la sécurité ferroviaire.

«Le dossier de la voie ferroviaire de la voie de contournement est une grande priorité et nous allons continuer de revendiquer avec vigueur. [C'est] une revendication non négociable», a-t-elle dit.

Avenir politique

Avec ce cycle d'un an qui se boucle ce week-end, la mairesse ne nie pas que la communauté craint maintenant d'être oubliée. Plusieurs Méganticois et intervenants rencontrés sur le terrain ont d'ailleurs fait part à La Presse de cette crainte d'être oubliés et rejetés, se disant tous conscients du fait que les Québécois ont déjà beaucoup entendu parler du drame.

«C'est une idée à laquelle on fait face actuellement, mais, connaissant la communauté de Lac-Mégantic et sa volonté de se relever, je vous dirai que nous serons toujours là [...] pour réclamer ce dont nous avons besoin pour continuer à nous reconstruire», a-t-elle assuré.

Sur le terrain, la mairesse ne cache pas toutefois que la fatigue de certains intervenants commence à se faire sentir. Elle-même n'est pas épargnée avec la maladie de son mari.

Elle n'a donc pas voulu s'avancer sur son avenir politique. «Quand j'ai accepté de continuer pour deux ans, dans mon esprit, il était très clair que je devais aller jusqu'au bout», a-t-elle insisté. Celle qui occupe ce poste depuis 2002 avait déjà annoncé dans les mois précédant la tragédie qu'elle ne briguerait pas de nouveau mandat à l'automne 2013. Mais dans la foulée du 6 juillet, tout le mandat du conseil municipal avait été prolongé de 24 mois.

«Maintenant, comme tout être humain, je ne peux prédire la prochaine année. Est-ce qu'on tiendra le coup jusqu'à la fin? Accompagnée par une équipe municipale [...] par la communauté et le Québec, mon souhait, ma plus grande volonté est que nous nous rendions jusqu'à la fin de notre mandat», a-t-elle dit.

«Les deux pieds dans la tragédie»

Selon la mairesse, les commémorations du week-end sont une étape importante pour «faire la paix» avec la tragédie. Mais pour certains, la douleur est encore trop vive. Environ le tiers des personnes endeuillées ont choisi de quitter la ville ce week-end, estime Céline Larin, coordonnatrice administrative des services psychosociaux de rétablissement du CSSS du Granit. Les commémorations sont particulièrement difficiles puisque les Méganticois ont toujours «les deux pieds dans la tragédie», souligne l'abbé Steve Lemay.

«Habituellement, quand on commémore, c'est qu'on se souvient de quelque chose qui est passé. Mais chaque jour, [...] je suis comme tout le monde confronté aux conséquences de cette tragédie», dit-il. Les messages d'espoir alors que la reconstruction est difficile ne sont plus aussi apaisants. «L'an passé, on était pleins de naïveté et d'espoir, on se disait que l'année prochaine ça irait mieux, et malheureusement, on vivait des illusions. Et tant mieux si on ne le savait pas», glisse Isabelle Hallé, directrice générale de la Chambre de commerce de la région de Mégantic.