Malgré les mesures prises par le gouvernement fédéral pour réglementer et rassurer la population à la suite de la catastrophe ferroviaire qui a tué 47 personnes, détruit des dizaines d'édifices et contaminé des cours d'eau à Lac-Mégantic, l'an dernier, des gestes plus audacieux devront être posés pour empêcher un déraillement du même genre de survenir dans le futur.

C'est ce qu'affirment des députés de l'opposition et un important groupe environnemental à l'approche de l'anniversaire de la tragédie.

La quantité de pétrole circulant sur le réseau ferroviaire augmente, et les trains circulent sur un système de rails qui n'a pas été conçu à la base pour transporter un tel volume de matières dangereuses, selon eux.

«Nous avons construit le réseau ferroviaire pour unir le pays et nous avons bâti plusieurs de nos villes et villages autour des rails», fait remarquer le porte-parole libéral en matière de Transports, David McGuinty.

«Si nous le reconstruisions aujourd'hui, nous ne ferions pas passer ces matières à travers nos centres urbains au coeur des banlieues.»

Au cours de récentes audiences, M. McGuinty et ses collègues du comité des transports de la Chambre des communes ont appris que le transport de pétrole brut par rails devrait augmenter de manière exponentielle dans les prochaines années, passant de 160 000 wagons l'an dernier à 510 000 en 2016. En 2009, seulement 500 wagons de pétrole brut avaient été transportés.

Des 80 000 à 100 000 wagons-citernes DOT-111 en service à travers l'Amérique du Nord - le type impliqué dans la tragédie de Lac-Mégantic -, 14 000 seulement ont été fabriqués selon les normes actuelles.

Le gouvernement fédéral a empêché l'utilisation des wagons-citernes DOT-111 les plus vulnérables pour transporter des matières dangereuses et les autres qui ne répondent pas aux normes actuelles devront être modernisés ou retirés d'ici trois ans.

Le gouvernement a également demandé aux compagnies ferroviaires transportant des matières dangereuses d'analyser les risques de leurs trajets et de réduire la vitesse de leurs trains.

Par ailleurs, les communautés entourant les chemins de fer sont avisées du transport de matières dangereuses, mais seulement - et apparemment pour des raisons de sécurité - après qu'elles aient déjà été transportées dans les villes.

Les critiques admettent que ces mesures sont un pas dans la bonne direction, mais ils croient que ce ne sera pas suffisant.

«Nous nous demandons si c'est véritablement plus sécuritaire et si (les mesures) règlent tous les problèmes soulevés après Lac-Mégantic», s'interroge le porte-parole du NPD en matière de Transport, Hoang Mai.

Les wagons-citernes DOT-111 - considérés problématiques depuis longtemps - devraient être retirés des rails immédiatement, compte tenu de la croissance du transport de pétrole par rails, avance pour sa part Keith Stewart, de Greenpeace Canada.

M. Stewart croit que cela passerait par le ralentissement de la production tirée des sables bitumineux, en Alberta, un geste qu'il considère raisonnable compte tenu des risques. Sinon, les wagons-citernes vieillissants continueront de parcourir le Canada pendant un bon moment.

«Ils mettent vraiment tout en place pour provoquer un deuxième Lac-Mégantic, prévient M. Stewart. Nous espérons tous que rien de la sorte ne se reproduira, mais c'est très possible que cela arrive.»

Des députés de l'opposition croient que Transport Canada n'a pas tout fait ce qu'il pouvait pour assurer la mise en place du système de gestion de la sécurité (SGS), que chaque chemin de fer fédéral s'est vu obligé de mettre en place en 2001.

Le SGS ne remplace pas la réglementation fédérale, mais vise à mettre en place une culture de la sécurité à travers le réseau ferroviaire. Transport Canada doit s'assurer de sa mise en oeuvre par le biais d'audits et d'inspections détaillées.

Or le vérificateur général a rapporté l'automne dernier que Transport Canada n'a réalisé que le quart des audits prévus sur une période de trois ans.

Transport Canada a assuré aux députés étudiant la sécurité ferroviaire qu'il améliorerait ses procédures d'audits et de collecte de données et qu'il renforcerait les lois en matière de sécurité.

M. McGuinty croit malgré tout, à la lumière des audiences du comité, que rien n'a véritablement changé. «Ce que nous avons vu dans le rapport du vérificateur général semble, à notre avis, être demeuré inchangé.»

M. Mai souhaite que Transport Canada joue un plus grand rôle dans l'identification de nouveaux trajets qui pourraient permettre aux wagons transportant des matières dangereuses d'éviter les endroits à forte population.

Le comité des transports prévoit faire des recommandations lorsqu'il aura entendu davantage de témoins à l'automne.