La catastrophe de Lac-Mégantic a été causée par la négligence de certains individus et non par des lacunes réglementaires, affirme la ministre fédérale des Transports, Lisa Raitt.

Un an après la tragédie qui a fait 47 morts, celle que Stephen Harper a mandatée pour resserrer les règles de la sécurité ferroviaire n'y va pas par quatre chemins lorsqu'on lui demande son analyse des causes du déraillement.

«C'est pas mal clair, tranche-t-elle lors d'une entrevue accordée à La Presse au parlement. C'est un cas où quelqu'un n'a pas respecté les règles. Une compagnie, un individu, peu importe. Ça a mené à cette tragédie.»

Début mai, la Sûreté du Québec a arrêté trois employés de la Société Montreal Maine&Atlantic (MMA), soit le conducteur Tom Harding, le directeur de l'exploitation Jean Demaître et le contrôleur ferroviaire Richard Labrie. Ce sont jusqu'ici les seules personnes à faire face à des accusations criminelles en lien avec le drame.

Pour les victimes, plusieurs sociétés et Transports Canada méritent aussi une part du blâme. Le recours collectif qu'elles ont intenté cible Ottawa, lui reprochant d'avoir été «grossièrement négligent» dans sa surveillance de MMA.

Lisa Raitt estime que ses fonctionnaires ont fait leur travail. Elle s'en remet à l'enquête du Bureau sur la sécurité des transports (BST) avant de décider si Ottawa doit revoir ses façons de faire.

«Les employés du Ministère ont inspecté le chemin de fer, comme ils devaient le faire, et ils ont dialogué avec MMA, explique-t-elle. Je crois qu'en termes d'analyse de ce qui s'est passé, nous devons nous en remettre au BST.»

Le recours collectif révèle que Transports Canada a envoyé plusieurs constats d'infraction à MMA au fil des années, notamment au sujet de l'application déficiente des dispositifs de freinage.

Les victimes y voient la preuve qu'Ottawa aurait dû serrer la vis à cette société ferroviaire. Lisa Raitt rétorque que le suivi de ses fonctionnaires prouve que le système réglementaire était adéquat.

«MMA a continuellement fait l'objet d'inspections, dit Mme Raitt. [...] Le fait que la MMA ait été signalée comme ayant des difficultés, et que des inspecteurs aient continué de la visiter, c'est important. Ça montre que le Ministère a réalisé qu'il devait travailler avec la compagnie pour s'assurer qu'elle faisait le nécessaire.»

Changement des règles

Depuis un an, le gouvernement fédéral a adopté une série de changements réglementaires pour mieux encadrer le transport des matières dangereuses par rail. Les équipages à une personne, comme celui qui pilotait le train de Lac-Mégantic, sont désormais interdits.

Ottawa a aussi resserré les normes sur les wagons-citernes DOT-111, montrés du doigt depuis 20 ans pour leur fragilité. Les modèles les plus anciens ont été retirés des rails et les nouveaux wagons devront être construits plus solidement.

N'est-ce pas la preuve que les règles fédérales étaient inadéquates avant le déraillement de Lac-Mégantic? Non, répond Lisa Raitt.

«Nous voulions nous assurer que tout le monde opère selon les meilleures pratiques, résume-t-elle. Les règles sont un plancher. Vous devriez toujours viser plus haut, vous ne devriez pas vous contenter de faire le minimum. Dans certains cas, les gros transporteurs ferroviaires font toutes ces choses et ont une culture de la sécurité. Dans d'autres cas, le BST avait clairement des préoccupations, donc nous avons agi.»

Dure entrée en matière

L'expression «baptême de feu» pourrait très bien s'appliquer à la ministre des Transports, Lisa Raitt, qui est entrée en fonction seulement neuf jours après la tragédie de Lac-Mégantic. Cette ancienne dirigeante de l'Autorité portuaire de Toronto s'y connaissait déjà en matière de transports, mais elle a dû trimer pour se familiariser avec le monde des chemins de fer.

«Je savais que ce serait un dossier très triste. Je suis moi-même assez émotive et je suis très sensible face à des tragédies comme celle-là, mais je savais aussi qu'il y aurait de fortes attentes pour que nous prenions cette catastrophe au sérieux, que nous fournissions l'assurance à la Ville que nous serions là.»

Huit mesures de sécurité adoptées par Ottawa après la catastrophe

1. Les trains qui transportent des matières dangereuses doivent désormais être pilotés par des équipages d'au moins deux personnes. Il n'y avait qu'une personne à bord du train de Lac-Mégantic. Transports Canada avait autorisé MMA à opérer avec cet équipage réduit.

2. Interdiction de laisser un train transportant des matières dangereuses sans surveillance sur une voie principale, comme l'a été celui de Lac-Mégantic.

3. Obligation pour les transporteurs de verrouiller les locomotives afin d'empêcher des entrées par infraction. Ils doivent aussi retirer les inverseurs dans les locomotives laissées sans surveillance. Ces leviers empêchent un train de se déplacer dans une direction ou une autre.

4. Activation obligatoire des dispositifs de freinage lorsqu'un train reste immobilisé pour plus d'une heure.

5. Les sociétés ferroviaires doivent fournir aux municipalités un rapport trimestriel ou annuel indiquant quelles matières dangereuses elles ont transportées sur leur territoire. Cette mesure permet aux villes de mieux planifier les mesures d'urgence en cas de déraillement.

6. Interdiction, d'ici trois ans, de transporter du pétrole dans les wagons-citernes DOT-111 qui ne sont pas construits selon les normes les plus récentes, adoptées par l'industrie en 2011 et rendue obligatoire par Ottawa en janvier. Cette mesure touche environ 65 000 wagons en Amérique du Nord. Ottawa a ordonné le retrait immédiat des 5000 wagons DOT-111 les plus anciens.

7. Les sociétés ferroviaires ont l'obligation de se doter de plans d'intervention d'urgence lorsqu'elles transportent du pétrole brut, de l'essence, du diesel, du carburant d'aviation et de l'éthanol. Cette mesure permet de faciliter l'intervention des secouristes en cas d'accident.

8. Imposition d'une limite de vitesse aux trains qui transportent du pétrole ou du carburant dans des wagons-citernes DOT-111. Ils ne peuvent dépasser 80 km/h (50 mi/h). Cette limite sera abaissée à 64 km/h (40 mi/h) dans certaines zones à risque d'ici la fin de l'année. Ottawa n'imposait aucune limite de vitesse aux trains transportant des matières dangereuses avant.