Noirci par les travaux à grande échelle, le centre-ville de Lac-Mégantic reste l'objet d'intenses débats entre gouvernement, citoyens et écologistes, qui s'affrontent ou s'allient à travers les émanations de pétrole.

Un an après le déversement de dizaines de milliers de litres de pétrole et l'incendie de dizaines de bâtiments, les autorités se donnent encore six mois pour décontaminer complètement les zones touchées. Un objectif difficilement atteignable, selon des citoyens critiques.

Sur place, les collines de terre brunes bloquent la vue par endroit. Depuis la fin du mois de mai, la machinerie est sortie de son hibernation. Elle a repris le travail d'excavation et de transport de la terre souillée jusqu'aux installations de décontamination, dans le parc industriel local.

«Le premier objectif, c'est d'avoir enlevé - avant décembre 2014 - tous les sols contaminés du centre-ville. De les avoir excavés, de les avoir remplacés par du sol propre pour pouvoir redonner le centre-ville à la municipalité pour qu'elle puisse faire sa reconstruction», explique Paul Benoit, le fonctionnaire du ministère de l'Environnement qui coordonne le chantier.

L'homme s'est établi à Lac-Mégantic en août pour garder le chantier à l'oeil.

Contrairement aux informations qui avaient circulé tout juste après la tragédie, la municipalité ne sera pas limitée dans la vocation de son nouveau centre-ville, jure Paul Benoit.

Le sol qui remplace la terre contaminée est de catégorie A (la plus propre) et ne contient virtuellement aucun contaminant, selon le fonctionnaire. «On calcule [qu'il reste] quatre mois de travaux d'excavation ici avant qu'il n'y ait plus de traces de la contamination sur le sol de Lac-Mégantic», ajoute-t-il.

Une couche argileuse de moins en moins profonde à mesure qu'on s'approche du lac Mégantic a limité l'impact environnemental de la catastrophe, ajoute Paul Benoit. «La couche d'argile est très imperméable. Nous on creuse jusqu'à l'argile» à moins que ce ne soit pas nécessaire, explique-t-il.

La terre contaminée est transportée puis déversée dans d'immenses amoncellements allongés placés sur un terrain du parc industriel de la ville. Elle sera traitée à cet endroit.

Inquiétudes

Jacques Gagnon représente le Comité citoyen de la région du lac Mégantic, un groupe de résidants inquiets des retombées environnementales et sanitaires de la tragédie ferroviaire. Il doute fortement que sa communauté puisse reprendre possession de son centre-ville dès le jour de l'An, mais reconnaît tout de même les efforts du Ministère.

«Je suis satisfait et inquiet», expose M. Gagnon en entrevue. Espérer avoir terminé les travaux de décontamination d'ici six mois, «je trouve ça un peu irréaliste, surtout pour l'excavation de tout le centre-ville. [...] Tout le monde reconnaît que la contamination continue à migrer».

Jacques Gagnon reproche aussi au Ministère d'avoir mal géré les émissions de poussières pendant certaines périodes de l'année.

L'environnementaliste Daniel Green, à la tête de la Société pour vaincre la pollution (SVP) montre lui aussi du doigt certains éléments du chantier de décontamination du ministère de l'Environnement.

Selon lui, les citoyens de Lac-Mégantic devraient être mieux protégés contre les émanations de poussière et d'hydrocarbures qui peuvent s'échapper du chantier, situé au milieu de la communauté.

«Les travaux risquent d'exposer la population aux odeurs et aux gaz qui risquent d'émaner quand on brasse les terres contaminées», affirme M. Green, toxicologue de formation. Il déplore notamment que les plaintes des citoyens n'entraînent pas une interruption du chantier pour identifier les sources de problèmes. «On comprend que dans une zone de désastre il va y avoir des émanations. L'important c'est de les mesurer rapidement et d'arrêter les travaux», ajoute-t-il.

Selon lui, le Ministère pourrait se tourner vers des structures gonflées à l'air qui isoleraient les sols contaminés du reste de la ville de Lac-Mégantic.

M. Green s'inquiète aussi des méthodes utilisées pour décontaminer les sols excavés du centre-ville. L'utilisation de fours mobiles pour brûler les hydrocarbures pourrait provoquer l'émission de fumées toxiques dans l'atmosphère, avance l'écologiste.

Les trois zones de la catastrophe

Zone d'impact

C'est l'endroit où se situe la voie ferrée et où le déraillement s'est produit. «Ça, c'est tout excavé, excepté pour une petite lisière», résume Paul Benoit, du ministère de l'Environnement. Il s'agit du chantier qui a été jugé prioritaire l'été dernier.

Zone incendiée

Cette section est située en contrebas de la zone d'impact. Lorsque le convoi a déraillé, une bonne partie du pétrole s'est enflammé et s'est écoulé de la zone d'impact jusqu'à la zone incendiée, ravageant tout sur son passage. «C'est la zone qui nous reste à excaver», explique Paul Benoit.

Zone de bâtiments contaminés

Cette zone a été contaminée par des quantités importantes de pétrole dans la foulée du déraillement ferroviaire, sans toutefois être consumée par l'incendie. Des édifices commerciaux et d'habitation y sont toujours debout. Il y a des bâtiments «qui ne sont pas contaminés, d'autres qui sont fortement contaminés», explique Paul Benoit. La Ville décidera lesquels seront expropriés et détruits.