L'appel à l'ouverture d'une enquête du BAPE sur le déversement de pétrole à Lac-Mégantic ne semble pas avoir beaucoup d'échos à Québec.

Convaincue que les travaux de décontamination en cours dans la municipalité provoquent toujours des écoulements dans la rivière Chaudière, la Société pour vaincre la pollution (SVP) exhorte le gouvernement à mandater un Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) pour étudier la situation.

«Comme on n'a pas cette entité, une espèce de comité ad hoc simplement pour Lac-Mégantic, et que ce serait très difficile politiquement de le mettre en place, on a le BAPE, qui existe déjà et qui a des pouvoirs d'enquête, des pouvoirs de contrainte des témoins et qui a une crédibilité scientifique», suggère Anne-Marie Saint-Cerny, porte-parole du groupe environnemental.

La SVP dit constater que «les efforts de décontamination de la rivière, à cause de ces épisodes de rehuilage, ont eu peu d'effet à part celui de ravager les berges des riverains et de leur confisquer un accès à leur bien».

Et selon Mme Saint-Cerny, «Lac-Mégantic ne doit pas être un banc d'essai ou un projet-pilote», car la population est déjà bien assez «éprouvée».

Le ministre de l'Environnement, David Heurtel, n'a pas eu le temps d'étudier la possibilité de mettre sur pied un BAPE puisqu'il se consacre actuellement à l'étude des crédits budgétaires du côté de l'Assemblée nationale, a plaidé son attachée de presse, Stéphanie Kitembo.

«On n'est pas en mesure de se positionner par rapport à cette question», a résumé Mme Kitembo, jeudi.

Mais du côté du ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC), on laisse entendre à mots à peine couverts que la démarche serait inutile puisque tout a été fait dans les règles de l'art et dans la transparence.

«Écoutez, je ne suis pas le ministre, mais ce que je vous dis, c'est que les études de caractérisation ont été réalisées par des firmes privées, puis analysées par une vingtaine de nos experts, et ensuite validées par des scientifiques indépendants», a résumé Jean-Marc Lachance, directeur régional au Centre de contrôle environnemental du Québec pour la région de Chaudière-Appalaches.

D'autre part, on balaie du revers de la main les allégations à l'effet que du pétrole puisse toujours migrer vers le cours d'eau, remettant en question la méthodologie et l'échantillonnage de la SVP.

«Là-dessus, je vais être très, très formel: il n'y a pas de pétrole qui s'échappe du site, et ça a été contrôlé dès les premières heures. C'était probablement la préoccupation numéro un, de s'assurer qu'il n'y ait plus de pétrole qui se dirige dans la rivière», a tranché M. Lachance à l'autre bout du fil.

En plus de faire 47 victimes à Lac-Mégantic, le train de la Montreal, Maine and Atlantic Railway (MMA) qui a déraillé et explosé en plein coeur du centre-ville le 6 juillet 2013 a entraîné le déversement d'environ 100 000 litres de pétrole dans la rivière Chaudière, estimait le MDDELCC en date du 24 juillet.

Depuis l'été dernier, la SVP accuse Québec et les sociétés privées en charge du nettoyage de faire preuve d'opacité et d'agir de façon contraire à l'intérêt public.

«Une compagnie n'est pas indépendante, une compagnie cherche à faire des profits, point à la ligne. Et elle va faire ce qu'elle doit faire en fonction de qui la paye», a dénoncé Anne-Marie Saint-Cerny, faisant référence à SIMEC - l'entreprise qui a été embauchée par la MMA pour nettoyer le site de la catastrophe.