Au moment où l'Unité permanente anticorruption (UPAC) mène une enquête sur la reconstruction de Lac-Mégantic et les contrats qui en découlent, ni la municipalité ni le gouvernement provincial ne sont en mesure de dresser un bilan précis des sommes dépensées depuis la catastrophe ferroviaire du 6 juillet dernier.

Selon des informations obtenues par La Presse, le ministère de la Sécurité publique du Québec (MSPQ), qui chapeaute le rétablissement de la petite communauté, a injecté 55,8 millions de dollars depuis la tragédie. Plusieurs autres ministères participent à l'effort de reconstruction - dont les Affaires municipales, l'Environnement, le Transport -, mais il est impossible à l'heure actuelle d'avoir un portrait global des sommes promises ou déjà engagées.

Selon ce que La Presse a appris, un comité interministériel, créé après l'élection du gouvernement libéral de Philippe Couillard, siégera pour la première fois la semaine prochaine à Québec, en vue de voir plus clair dans le dossier de la reconstruction. Ce comité sera dirigé par le député de Mégantic, Ghislain Bolduc, et comprendra notamment des représentants du MSPQ, des Affaires municipales, de la Ville de Lac-Mégantic et des commerçants.

«On en parle depuis une couple de semaines, on attendait que les ministres soient installés avant de se rencontrer pour la première fois», a indiqué M. Bolduc hier soir.

Ce comité visera à clarifier «l'ensemble des paramètres» de toute l'aide financière disponible en ce moment à Lac-Mégantic, a expliqué le député. Le but ultime de la démarche vise à accélérer le traitement des dossiers d'indemnisation et de reconstruction, ralentis par la multiplication des intervenants.

Portrait partiel

Pour l'heure, on sait que le MSPQ a dépensé 55,8 millions dans le dossier de la reconstruction de Lac-Mégantic. Sur ce total, l'aide aux particuliers a coûté 2,5 millions - notamment sous la forme de chèques de 1000$ remis aux familles dans les jours suivant la tragédie - et l'aide aux entreprises, 4,2 millions.

La Ville de Lac-Mégantic a reçu pour sa part 44,6 millions. «Ce sont les dépenses additionnelles aux dépenses courantes de la ville, par exemple le temps supplémentaire des pompiers, des employés, les ingénieurs», a expliqué à La Presse Denis Landry, un directeur de la cellule de crise du MSPQ, cette semaine dans la municipalité.

En vertu des décrets adoptés à Québec à la suite de la tragédie, il n'y a pas de budget précis associé à l'aide du MSPQ, a expliqué M. Landry. Les dépenses se font selon les besoins, sur présentation de pièces justificatives. «Avec le programme d'aide financière, il n'y a pas d'enveloppe budgétaire. On est à même le fonds consolidé de la province.»

Les autres ministères provinciaux concernés effectuaient encore hier la comptabilisation de toutes les sommes injectées pour venir en aide à Lac-Mégantic. Leur aide se calcule en millions. Ottawa, pour sa part, a fourni un portrait détaillé des sommes promises - et dépensées - à ce jour.

Le gouvernement fédéral a annoncé une aide 60 millions, soit 25 millions pour la Sécurité publique, et 35 millions du programme Développement économique Canada pour les régions du Québec (DEC). À ce jour, 6,9 millions ont été approuvés, a-t-on appris.

Ottawa a en outre promis 95 millions pour la décontamination de la ville, soit la moitié du coût total estimé. En parallèle, une série de fonds garnis par les dons du public - comme Avenir Mégantic et celui de la Croix-Rouge - totalisent plus de 16 millions.

UPAC

La Presse révélait hier que la cascade de contrats liés à la reconstruction de Lac-Mégantic, profondément affecté par la tragédie de l'été dernier, est au coeur d'une enquête ouverte par l'UPAC. Deux enquêteurs se sont rendus sur place pour rencontrer certaines personnes. Les policiers ont discuté de la reconstruction avec au moins deux citoyens, que La Presse a rencontrés. Ils ont aussi interrogé un employé de la municipalité.

La Ville de Lac-Mégantic a affirmé hier que les questions posées à l'employé municipal par les enquêteurs de l'UPAC concernent exclusivement «un dossier datant de 2010 en lien avec la décontamination de terrains ayant longtemps servi à des activités ferroviaires près de la gare patrimoniale du centre-ville». «En aucun cas il n'a été question des travaux liés à la tragédie de l'été dernier. En aucun cas la Ville n'a perçu ou compris qu'elle peut être visée par les vérifications menées par l'UPAC», peut-on lire dans le communiqué diffusé en fin de journée.

Le premier ministre Philippe Couillard a souligné hier «n'avoir aucune information sur les raisons qui poussent l'UPAC à s'intéresser à cette municipalité». «Je ne sais pas si c'est relié à la reconstruction ou à des événements antérieurs», a-t-il dit lors d'un point de presse à Québec.

Le bureau du premier ministre Stephen Harper a pour sa part lancé un avertissement. «Nous nous attendons à ce que les fonds servent la communauté de Lac-Mégantic. Ce serait complètement inacceptable que ce ne soit pas le cas, a dit son attaché de presse, Carl Vallée. Si quelqu'un n'a pas respecté les règles, cette personne doit faire face aux conséquences.»

Même son de cloche chez le député libéral de Mégantic, Ghislain Bolduc. «Si les enquêteurs ont des choses à faire, qu'ils les fassent. S'il y a des malversations qui ont été faites, les gens devront en subir les conséquences.»

Devant la situation d'urgence, les règles d'attribution des contrats ont été assouplies par le gouvernement.

- Avec la collaboration de Denis Lessard