Les Méganticois, tout comme le syndicat des Métallos, crient haut et fort que c'est le tristement célèbre propriétaire de la Société Montreal, Maine and Atlantic (MMA), Ed Burkhardt, qui devrait avoir les menottes aux poignets. Mais ils risquent fort d'être déçus, l'enquête de la Sûreté du Québec étant bel et bien close.

«Ce n'est pas eux qu'on veut», a scandé un résidant venu assister à la comparution de Tom Harding, Jean Demaître et Richard Labrie, mardi, au centre sportif de Lac-Mégantic transformé en palais de justice temporaire puisque le vrai a été détruit par l'incendie du 6 juillet dernier.

«Pendant ce temps-là, le vrai dangereux est chez lui aux États-Unis», renchérissait Daniel Roy, directeur du syndicat des Métallos, qui représente Harding et Labrie.

Tous deux font référence à Ed Burkhardt, dont la société américaine était propriétaire de MMA, qui est toutefois en faillite et en voie d'être rachetée.

Mais tout porte à croire que l'homme pourra rester paisiblement chez lui à Chicago.

Interrogé

Selon nos sources près de l'enquête, l'homme a été rencontré. Les enquêteurs de la Sûreté du Québec ont tout tenté pour le faire parler. Mais n'ayant jamais eu le statut de suspect, il n'a pu être interrogé en bonne et due forme, avec lecture de ses droits par les enquêteurs. Il n'a donc été que rencontré avec ses avocats, et aucun élément permettant de l'accuser n'aurait pu en être tiré.

Des perquisitions ont eu lieu aux bureaux de MMA, mais rien n'aurait permis aux enquêteurs d'établir que Buckhardt avait connaissance de ce qui se passait avec l'entreprise au Québec.

«Même si sa compagnie semble avoir été gérée de façon broche à foin, il est très difficile, au niveau légal, de lui attribuer quelque intention criminelle que ce soit. Quant au mauvais entretien des rails par la compagnie, si lui n'en a jamais été informé et n'est jamais intervenu, c'est encore difficile de démontrer une intention. S'il avait été avisé plusieurs fois et n'avait rien fait, et qu'on pouvait le démontrer, ce serait autre chose», explique une source.

Même pour les trois accusés, il sera, selon elle, difficile de convaincre un jury de leur intention coupable.

«Il faudra convaincre hors de tout doute que d'autres citoyens normaux, placés dans les mêmes conditions que les accusés, auraient agi différemment, auraient marché aller-retour un kilomètre et demi le long du train pour actionner manuellement les freins de chaque wagon, dans la chaleur comme les tempêtes l'hiver. C'est loin d'être facile à démontrer», poursuit cette personne bien au fait du dossier.

Représentant le Directeur des poursuites criminelles et pénales, Me René Verret a affirmé mardi que son service avait demandé à la SQ des informations supplémentaires au sujet de certains éléments de l'enquête. Il n'a pas voulu dire si le dépôt d'accusations contre Ed Buckhardt ou tout autre dirigeant de l'entreprise était envisagé.

Les Métallos fulminent

Daniel Roy a piqué une sainte colère, mardi, devant les médias à qui il s'adressait au sujet des arrestations.

Son syndicat représente deux des trois employés de MMA qui doivent répondre à 47 chefs d'accusation de négligence criminelle causant la mort, le chef de train Tom Harding et Richard Labrie. Jean Demaître est un cadre non syndiqué.

Il assure qu'un fonds de défense au bénéfice des deux membres a été créé. Les membres du syndicat seront sollicités.

Pour lui, l'enquête de la Sûreté du Québec a accouché d'une souris.

«Tom Harding n'était pas dans le train quand c'est arrivé. Son train était couché au village voisin avec l'accord et la permission de son employeur et de Transports Canada. Il n'a fait que respecter les règles», croit M. Roy.

«Le mauvais état des chemins de fer, ce n'est pas M. Harding qui en est responsable. L'état des ponts sur lesquels passent les trains, ce n'est pas la faute à M. Harding. Le fait qu'on transporte du pétrole partout dans les villes du Québec, c'est toujours bien pas la faute de Tom Harding et des employés de MMA», tempête-t-il encore.

«Le vrai responsable est le gouvernement fédéral avec sa déréglementation et la cession de chemins de fer à des petites compagnies comme la MMA. Voir la ministre des Transports se féliciter de l'arrestation de travailleurs est incroyable. On couvre le gouvernement et les dirigeants de MMA», conclut-il en parlant du patron de MMA, Ed Burkhardt.