La compagnie Montreal Maine&Atlantic (MMA) et trois de ses employés, dont le conducteur du train qui a déraillé et explosé dans le centre-ville de Lac-Mégantic le 6 juillet, sont accusés d'avoir causé la mort de 47 personnes par négligence criminelle.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a confirmé lundi soir avoir déposé ces accusations contre la compagnie ferroviaire et le conducteur Thomas Harding, le contrôleur ferroviaire Richard Labrie ainsi que le directeur d'exploitation Jean Demaître.

Ces trois personnes ont été arrêtées en fin d'après-midi lundi et comparaîtront au palais de justice de Lac-Mégantic mardi.

S'ils sont trouvés coupables, ils risquent une peine d'emprisonnement à perpétuité, a indiqué à La Presse Me Jean Pascal Boucher, porte-parole du DPCP.

Me Boucher n'a pas souhaité donner davantage de détails quant au rôle de chacun des accusés.

Mécontentement chez les citoyens

À Lac-Mégantic, où se tenait lundi soir une assemblée du conseil municipal fort mouvementée, la mairesse Colette Roy-Laroche n'a pas voulu commenter le dépôt de ces accusations. Des citoyens ont toutefois exprimé de vives réserves à la sortie de cette réunion.

«Moi, c'est Burkhardt [NDLR: Ed Burkhardt, le grand patron de la MMA au moment du drame] que je mettrais en dedans, c'est lui qui devrait aller en prison», a lancé Sophie Bilodeau, une résidante mécontente.

«Je ne connais ni l'une ni l'autre de ces personnes-là, mais je pense que c'est comme mettre un plaster sur le bobo, a pour sa part indiqué un citoyen qui a requis l'anonymat. C'est plus facile de mettre ces trois petits gars-là en dedans que les vrais responsables.»

Une opinion partagée par une autre Méganticoise interrogée lundi soir. Elle a aussi refusé de donner son nom, de crainte de représailles. «Les employés faisaient juste ce qu'on leur disait. C'est la compagnie qui demandait aux employés de laisser les trains tout seuls!»

Yves Bourdon, un administrateur de la MMA, a refusé de commenter l'affaire, tout comme le syndicat des Métallos. Il n'a pas été possible de joindre Ed Burkhardt.

Dans les jours qui avaient suivi la tragédie, M. Burkhardt avait suspendu le conducteur Harding et déclaré publiquement qu'il le tenait pour responsable du déraillement.

M. Harding ne se trouvait pas à bord du train lorsque celui-ci a déraillé. Il avait immobilisé le convoi à Nantes, à 11 kilomètres de Lac-Mégantic, avant d'aller se coucher.

Le conducteur avait notamment été interrogé pendant plusieurs heures par la Sûreté du Québec, dont l'enquête s'est poursuivie jusqu'en mars dernier. Son rapport était depuis entre les mains du DPCP.

«J'aimerais remercier la Sûreté du Québec pour son enquête, a fait savoir la ministre des Transports à Ottawa Lisa Raitt, lundi soir. Je comprends que ceci est une période difficile pour les gens qui sont affectés par cette tragédie. Puisque ceci est maintenant devant les tribunaux, nous n'avons pas d'autre commentaire.»

- Avec Martin Croteau

En chiffres

47 : nombre de personnes tuées dans le déraillement et l'explosion du train. Du nombre, 40 ont pu être identifiées jusqu'à présent.

72 : nombre de wagons du train transportant en tout 7,2 millions de litres de pétrole brut léger.

5 630 000 litres : quantité de pétrole qui a été brûlé ou déversé dans l'environnement. 

18 millions $ : valeur des avoirs de la MMA en août 2013 au moment où la compagnie s'est mise sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers. La compagnie possédait une couverture d'assurances de 25 millions $.

200 millions $ : coût de nettoyage du site, selon les estimations de MMA en août dernier.