La société Montreal Maine&Atlantic a écopé d'une trentaine d'amendes aux États-Unis au cours de la décennie qui a précédé le drame de Lac-Mégantic, mais elle n'en a pas reçu une seule au Canada.

Transports Canada confirme que la société ferroviaire au coeur du déraillement mortel n'a jamais été sanctionnée au Canada entre sa création, en 2003, et le déraillement tragique de juillet dernier. Pendant cette période, le ministère fédéral lui a fait parvenir 10 avis et lettres de préoccupation pour lui signaler des irrégularités.

Dans le même intervalle, la Federal Railroad Administration (FRA) lui a imposé 28 amendes totalisant 146 950$. Les trois pénalités les plus importantes - de 15 000$ chacune - lui ont été imposées à cause de la sécurité défaillante de ses rails.

Le réseau de MMA, d'une longueur de 820 kilomètres, est partagé à peu près également entre le Canada et les États-Unis. La portion au sud de la frontière est légèrement plus longue que la portion canadienne.

Questionné sur la disparité entre les deux pays en ce qui concerne les amendes distribuées, Transports Canada a renvoyé La Presse à un site web qui résume les mesures adoptées dans les semaines qui ont suivi l'accident de Lac-Mégantic.

Ce blitz d'inspections a révélé une série d'anomalies le long du réseau de MMA. Les traverses, les rails et les passages à niveau ont tous soulevé des préoccupations au ministère fédéral. Transports Canada a donc écrit deux lettres de préoccupation à l'entreprise et a émis quatre avis lui enjoignant d'effectuer des réparations.

«Transports Canada prend la sécurité du réseau de transport ferroviaire du Canada au sérieux et est déterminé à veiller à maintenir des niveaux de sécurité adéquats, a expliqué la porte-parole du ministère, Karine Martel. Transports Canada n'hésite pas à prendre les mesures d'application de la loi qui s'imposent en cas de non-conformité.»

Mais la disparité entre le Canada et les États-Unis, en ce qui concerne le nombre d'amendes, fait sourciller Patrick Bonin, porte-parole de Greenpeace.

«Ça soulève de sérieuses questions sur la capacité de surveillance des autorités canadiennes, dit-il. Est-ce qu'il y a assez d'inspections? Est-ce qu'il y a trop d'autoréglementation?»

Des processus différents, dit Burkhardt

Joint par La Presse, Edward Burkhardt, l'ancien grand patron de MMA, a affirmé que son entreprise a toujours répondu favorablement aux ordonnances gouvernementales, tant au Canada qu'aux États-Unis. Si elle a reçu plus d'amendes au sud de la frontière, dit-il, c'est parce que le système réglementaire y est différent.

«Les deux organismes réglementaires ont des processus différents, a expliqué M. Burkhardt. La plupart des amendes de la FRA étaient petites. Transports Canada était plus intéressé à corriger les problèmes qu'à imposer des amendes.»

La crainte de recevoir une amende a-t-elle poussé MMA à mieux entretenir son réseau ou à resserrer les mesures de sécurité? Non, répond M. Burkhardt.

«Nous avions pour politique d'entretenir de bonnes relations avec les autorités réglementaires, ce qui voulait dire de répondre à leurs préoccupations, a-t-il dit. Je crois que Transports Canada a toujours agi avec professionnalisme et, lorsqu'ils avaient des préoccupations, ils nous les signalaient.»

- Avec la collaboration de William Leclerc

Burkhardt d'accord avec la poursuite

L'ancien grand patron de la société Montreal Maine&Atlantic, Edward Burkhardt, se dit d'accord avec les allégations de la poursuite lancée la semaine dernière contre World Fuel Services. Le syndic de faillite qui administre MMA a accusé la multinationale d'être responsable de la tragédie de Lac-Mégantic, au motif que celle-ci n'aurait pas correctement étiqueté le pétrole du convoi. La poursuite avance que des mesures de sécurité additionnelles auraient été mises en place si MMA avait su que le pétrole était plus volatil qu'indiqué. «Je suis d'accord avec ses conclusions selon lesquelles le train n'aurait pas été laissé sans surveillance sur une voie principale», a dit M. Burkhardt.