Je dors, et pendant que je rêve, tu passes le pas de la porte. Le bruit me réveille. Je regarde l'heure. Il est passé 2 h du matin. Je sais que tu t'es bien amusée vu l'heure à laquelle tu arrives.

Je t'entends bouger dans la maison jusqu'à ce que tu ailles te mettre au lit. Ça ne me dérange pas, car je sais que tu es bien rentrée et que tu vas bien. Lorsque je me réveillerai, tu seras encore au lit. Je devrai faire le moins de bruit possible pour ne pas déranger ton sommeil. Je sais que quand tu te réveilleras, tu me raconteras ta soirée, souriante.

Depuis le 6 juillet dernier, ce scénario, aussi banal puisse-t-il être, est devenu fictif. Cette nuit-là, tu n'es pas rentrée souriante de ta soirée au Musi-Café. Tu n'es pas rentrée du tout. C'est mon frère Billy qui m'a réveillée. Ton chum Guy et lui t'ont cherchée à travers la ville en feu.

Ça fait cinq mois que tu n'es plus là. Cinq mois que je ne peux plus te serrer dans mes bras. Chaque jour, tu me manques de plus en plus. C'est comme si la cicatrice béante n'allait jamais se refermer. Il m'arrive parfois (souvent, en fait) de vouloir aller te rejoindre, parce que c'est très, parfois trop difficile de vivre sans toi.

J'essaie le plus souvent possible de ne pas y penser, de ne pas trop me questionner. Ça fait trop mal. Je ne suis même pas encore capable de regarder des photos de toi. Ne m'en veux pas, maman.

Tu n'as pas eu une vie toujours facile. Malgré toutes les épreuves que t'as eu à surmonter, t'as su nous donner, à Billy et à moi, de belles valeurs. La famille a toujours été importante pour toi.

Certaines personnes m'ont dit que, quelques semaines avant l'événement, tu leur avais dit que tu étais heureuse. Ça met un onguent sur mon coeur ; ton bonheur était le mien.

La façon dont tu es partie me fâche énormément. Tu es partie de façon si brutale. Toi qui aurais fait n'importe quoi pour les gens que t'aimais. Toi qui faisais passer les besoins de tes proches avant les tiens. La vie t'a littéralement été arrachée.

Et dans l'épreuve qu'est la mort, ça me console de savoir que tu étais avec des personnes que tu aimais et qui t'aimaient.

Même si tu n'es plus là physiquement, tu ne cesseras jamais d'exister dans mon coeur.

Tu me manques, ça n'a pas d'allure.

Je t'aime à la folie, tu ne peux même pas t'imaginer à quel point.

C'est comme si j'avais arrêté de vivre. Maman, le 6 juillet, j'ai l'impression d'être morte avec toi.

Mégane Turcotte, 17 ans, Lac-Mégantic