Une course judiciaire pour s'emparer des miettes d'actifs résiduels?

C'est ce qui guette les créanciers du transporteur ferroviaire Montreal, Maine&Atlantic Railway (MMA) à la suite de la révocation de son permis ordonnée mardi par Ottawa dans la foulée de la tragédie de Lac-Mégantic.

Une réunion décisive à ce sujet est prévue ce matin entre les avocats de MMA et les superviseurs de son administration sur protection judiciaire, entamée il y a une semaine à peine.

Pourquoi ce risque? C'est que l'ordonnance fédérale qui force MMA à cesser toutes ses activités au Canada d'ici cinq jours s'avère aussi un sérieux croc-en-jambe pour ce processus de restructuration sous protection de la justice afin d'éviter la faillite.

Ce processus administré en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC, dans le jargon comptable) s'appuie notamment sur la continuité des activités de l'entreprise pendant qu'elle tente de parvenir à un règlement ordonné parmi ses créanciers, selon les priorités de leurs réclamations.

Le pire scénario

«Dans le cas de MMA, cette continuité des activités n'est plus possible. Et sans les revenus qui en proviennent, les dirigeants de MMA pourraient décider de la mettre officiellement en faillite et de céder ses biens au syndic, à des fins de liquidation», explique Gilles Robillard, de la firme Richter, contrôleur du LACC de MMA autorisé par la Cour supérieure du Québec.

Sans présumer de la décision des dirigeants de MMA, M. Robillard estime néanmoins qu'un tel scénario de faillite et de cession de biens pourrait être le pire pour les créanciers du petit transporteur tenu responsable du déraillement dévastateur et meurtrier de Lac-Mégantic, le mois dernier.

«La mise en faillite de MMA et la terminaison de son LACC pourraient déclencher une course à la saisie des actifs, mais aussi pour l'accès aux indemnisations attendues de ses assureurs. Ce serait une course qui se déroulerait en justice selon la règle du premier arrivé, premier servi», avertit M. Robillard.

En contrepartie, explique-t-il, malgré la cessation forcée de ses activités, les dirigeants de MMA pourraient décider de surseoir à sa mise en faillite afin de poursuivre le processus de LACC et d'éviter ainsi de compromettre davantage les recours de ses créanciers.

Recherche d'acheteurs

Une telle décision favoriserait le maintien d'un certain ordre pour la suite des réclamations des créanciers du transporteur, ainsi que la recherche d'acheteurs pour ses actifs d'exploitation, selon M. Robillard. De plus, il faciliterait l'administration ordonnée de l'accès aux éventuelles indemnisations des assureurs de MMA.

Cet accès aux indemnités d'assurance est particulièrement important pour le gouvernement du Québec et la Ville de Lac-Mégantic.

Tous deux espèrent y récupérer une partie des frais liés à l'aide aux sinistrés, mais aussi une part de l'énorme facture de nettoyage et de décontamination des lieux pollués par les millions de litres de pétrole déversés des wagons de MMA.

Cette facture environnementale pourrait atteindre plusieurs dizaines de millions de dollars, selon diverses estimations préliminaires.