Les citoyens ne sont pas surpris de la décision de la Cour supérieure, qui a autorisé hier la société Montreal, Maine & Atlantic (MMA) à se placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers.

«Le boss (NDLR: Ed Burkhardt, président de MMA) est venu nous voir à la polyvalente, où les sinistrés étaient accueillis par la Ville. On lit les journaux, et on apprend qu'il va faire faillite. On se sent délaissés», explique Gaétanne Veilleux, qui regarde tous les matins du haut de son balcon le centre-ville dévasté, où tout a été rasé par le déraillement d'un convoi de wagons-citernes le 6 juillet dernier.

C'est la première fois, dit-elle, qu'elle accepte de se confier aux médias. Le sourire facile, toujours prête à rire et à donner des accolades, Mme Veilleux explique comment elle tente de retrouver sa joie de vivre. «On a assez pleuré, dit-elle, même si chaque matin est difficile.»

«On sait bien qu'après la faillite, il se dira "vous les petits niaiseux de Mégantic, vous allez tout payer". Moi ici, c'est toute ma vie. C'est ma famille, mes amis, mon église. J'ai perdu un cousin et mon meilleur ami dans l'incendie. Je ne veux plus penser à MMA. J'ai seulement besoin de prier», s'est confiée Mme Veilleux, quelques minutes avant de se rendre à l'église Sainte-Agnès, située en face de son appartement.

Invasion de curieux

«C'est certain que les contribuables finiront par payer une bonne partie. C'est révoltant, mais on s'y attendait», explique Christian Martineau, accompagné de sa conjointe Johanne Bédard, qui a fait le voyage entre Québec et Lac-Mégantic pour voir le site de la tragédie.

Les yeux rivés sur les tonnes de pierres, de briques et d'arbres morts amoncelés à l'intérieur de la zone rouge, interdite au public, le couple contient à peine ses émotions. «C'était important pour moi de venir voir ça. C'est affreux, c'est épouvantable», commente Mme Bédard.

À un peu moins de 100 mètres, où des pompiers et des travailleurs en télécommunications s'affairent à réparer les lignes brisées au sommet des poteaux, Normand Renaud ne contient pas sa colère. Il en veut personnellement au président de MMA, Ed Burkhardt.

«Si je peux m'exprimer dans mes mots, je vous dirais que c'est tout simplement dégueulasse. Il n'est pas d'ici, ça ne le dérange pas. [Ed Burkhardt] est là pour faire de l'argent», laisse tomber l'homme qui s'est déplacé de Magog pour venir voir le site.

Les travaux pour déterminer l'étendue de la contamination du centre-ville se poursuivront jusqu'en février 2014.