La Cour supérieure a accepté de mettre Montreal Maine&Atlantic (MMA) à l'abri de ses créanciers. Le juge ne s'est toutefois pas privé de souligner au passage l'attitude «lamentable» de la société ferroviaire propriétaire du train qui a déraillé à Lac-Mégantic.

En acceptant de placer MMA sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, le juge Martin Castonguay a suspendu jusqu'au 6 septembre toutes les requêtes des créanciers de l'entreprise. Cela inclut la portion du recours collectif visant l'entreprise et les réclamations de Québec concernant les travaux de nettoyage que MMA n'a jamais payés.

«Prenez l'insolvabilité comme une maladie terminale, a déclaré l'avocat de la Ville de Lac-Mégantic, Louis Coallier, à sa sortie de la salle d'audience. Est-ce qu'on envoie le malade aux soins palliatifs ou on le laisse mourir seul dans une ruelle n'importe comment?»

«À situation exceptionnelle, remède exceptionnel», a insisté le juge Castonguay en rendant sa décision. Il a toutefois souligné que ce type d'ordonnance s'applique lorsque le demandeur fait preuve de bonne foi, et qu'il n'avait été pas impressionné par MMA jusqu'à présent.

«La démonstration faite par MMA depuis le début des événements est lamentable», a-t-il dit avant d'ajouter qu'il s'agissait d'un motif suffisant pour rejeter la requête. Mais puisque l'avocat de Lac-Mégantic a appuyé la démarche de MMA, le juge s'est laissé convaincre d'accepter.

La cour a donc nommé un contrôleur, Gilles Robillard, de la firme Richter Groupe Conseil, qui fera un suivi auprès des dirigeants de MMA. «Il deviendra les yeux du tribunal», a indiqué le juge Castonguay.

«Cela encadre la gestion de la déconfiture prévue et annoncée de MMA», a expliqué Me Coallier. C'est une situation choquante. D'ailleurs, la mairesse [de Lac-Mégantic, Colette Roy-Laroche] a relevé le fait que c'est toujours déplorable qu'une société soit insolvable et qu'elle ne puisse pas faire face à ses obligations, surtout après un tel sinistre, mais dans les circonstances, c'est le meilleur remède.»

Aucune portée juridique

Même si le juge a qualifié Lac-Mégantic de «créancier extraordinaire», cela n'a aucune portée juridique. À ce stade-ci, rien ne garantit légalement la primauté des sinistrés parmi les créanciers de MMA. Le gouvernement du Québec est toutefois prioritaire, en ce qui concerne les réclamations environnementales.

Et c'est précisément pour éviter une «anarchie judiciaire», c'est-à-dire que tous les créanciers se bousculent aux portes, que le juge a accordé l'ordonnance protégeant MMA.

«Ce que je retiens, c'est que le juge a retenu la méthode que nous proposons pour tenter d'indemniser toutes les victimes, comme étant la méthode la plus appropriée, a pour sa part réagi Me Denis Saint-Onge, qui représente MMA Canada Co. Et c'est ce que nous allons tenter de faire au cours des prochaines semaines.» Il a toutefois refusé de commenter les critiques du juge.

D'ici 30 jours, MMA pourra demander une prolongation de la protection des tribunaux. La cour prendra sa décision après consultation des rapports du contrôleur. Par ailleurs, le juge Castonguay demandera au juge en chef de transférer la suite des procédures à un tribunal en Estrie pour que les gens touchés par la tragédie puissent suivre plus facilement les prochains développements.