Il y a exactement un mois, Lac-Mégantic était encore une petite ville bucolique qui faisait le bonheur de ses résidants et des vacanciers. L'explosion qui allait survenir a réduit en cendres le quartier commercial de la ville. Quarante-sept personnes ont été tuées; des centaines d'autres les pleurent. La Presse a voulu revisiter ces heures fatidiques à travers les yeux de ceux qui les ont vues de près.

Le chef des pompiers, Denis Lauzon, dormait à poings fermés lorsque le grésillement du walkie-talkie posé sur sa table de chevet l'a tiré du sommeil. C'est lui qui était de garde cette nuit-là.

«L'appel est rentré comme étant un feu de résidence», a-t-il raconté lundi à La Presse. Ce type d'appel est «fréquent» pour lui et ne l'a pas inquiété outre mesure.

Presque au même moment, la mairesse de Lac-Mégantic était elle aussi tirée du lit par deux appels successifs. «Lorsque les deux m'ont dit qu'un train explosait au centre-ville, je savais déjà que ça allait être une tragédie, a-t-elle confié. Mon mari et moi, nous nous sommes habillés en vitesse, mais déjà, on voyait les flammes.»

C'était le début d'une longue nuit.

Ce n'est qu'en roulant vers le brasier que Denis Lauzon a compris qu'il ne s'agissait pas d'un simple début d'incendie dans un domicile.

Le pompier a échangé un regard lourd avec des policiers de la Sûreté du Québec qui roulaient en sens inverse. «Je suis arrivé à leur hauteur. J'ai ralenti. On est partis chacun de notre côté.»

Il a aperçu les wagons de queue accidentés. «Je savais à quoi j'avais affaire, a-t-il relaté. On entendait l'eau et l'huile. Les wagons qui laissaient échapper la pression.»

«Allures de fin du monde»

Le journaliste Rémi Tremblay, de l'hebdomadaire local L'Écho de Frontenac, doutait des propos de son fils venu le réveiller au milieu de la nuit. Le centre-ville en flammes? Est-ce vraiment possible?

En sortant dehors, «ça avait des allures de fin du monde, avec le sifflement du gaz».

Ses réflexes professionnels ont pris le dessus. Il a enfilé ses bottes sans chaussettes, mais a réussi à mettre la main sur son appareil photo avant de quitter sa maison.

Dans un billet publié peu après la tragédie, M. Tremblay se rappelle que «la fin de semaine allait être agréable, surtout que la température chaude acclamait le retour de l'été après des jours de pluie». «Fin de l'histoire d'une vie qui filait comme un long fleuve tranquille», a-t-il écrit.

La mairesse Roy-Laroche, elle, a vite compris que son hôtel de ville ne pouvait plus servir de quartier général. Trop près des flammes. Trop risqué.

«On s'est retrouvés au bureau de la Sûreté du Québec. Heureusement que nous avons tous des cellulaires aujourd'hui», a lancé la mairesse, en se permettant de rire un peu à travers son récit.

Comme en plein jour

L'aveuglante lumière produite par les explosions faisait presque croire aux Méganticois qu'ils étaient en plein jour. Et les rues étaient bondées de résidants: la curiosité et l'horreur se mêlaient dans leurs visages. Des cris perçaient les flammes. «Cette vision va toujours me rester», a assuré Mme Roy-Laroche.

Le reste de l'histoire fait la manchette depuis un mois. La lutte acharnée contre l'incendie, puis celle pour retrouver les dépouilles de toutes les victimes. La visite d'un homme d'affaires détesté par toute une ville. Des funérailles émouvantes.

Le 6 juillet, à 1h14, a commencé la plus longue nuit de l'histoire de Lac-Mégantic. Le soleil s'est levé 30 fois depuis ce jour, mais le cauchemar refuse de prendre fin.