Du pétrole a coulé au fond de la rivière Chaudière dans la foulée du déraillement du train à Lac-Mégantic, a confirmé une entreprise responsable du nettoyage. Cette révélation contraste avec les informations du ministère de l'Environnement, qui assurait, il y a quelques jours, qu'il restait «très peu» d'hydrocarbures sur le cours d'eau.

En entrevue avec La Presse, le porte-parole de SIMEC, engagée par Montreal, Maine&Atlantic Railway (MMA) pour nettoyer les eaux et récupérer les hydrocarbures dans la rivière Chaudière, a confirmé la présence de pétrole submergé.

«Nous savons qu'il y en a, mais nous ne savons pas dans quelle mesure», a affirmé Jim Carson, de SIMEC. Des tests sont maintenant effectués pour préciser l'ampleur de la contamination.

Le ministère québécois de l'Environnement n'avait fait aucun test pour déterminer si du pétrole avait coulé au fond de la rivière Chaudière à la suite de la catastrophe.

Pour que le gouvernement réagisse, il a fallu qu'un citoyen de Frontenac, Yves Laflamme, filme un halo multicolore face à son terrain après être tombé à l'eau.

Dans sa réaction initiale à la vidéo, le Ministère avait affirmé que M. Laflamme avait probablement délogé du pétrole provenant des berges lorsqu'il est tombé à l'eau.

«C'est ce qui me fait suer: on dirait que le gouvernement essaie de minimiser la chose», a confié M. Laflamme lorsque La Presse l'a joint, lundi.

Le ministre de l'Environnement Yves-François Blanchet a toutefois réajusté son discours, hier, à Lac-Mégantic.

«La nature du produit qui a été déversé fait qu'il ne coule pas naturellement, mais il peut être emporté vers le fond de la rivière, a-t-il reconnu. Il y a donc des tests présentement en cours pour voir si ça peut s'être produit, et dans quelle mesure.»

Le ministre a même invité les citoyens à lui faire part de leurs observations. «Je prends au sérieux les vidéos que les gens envoient. Mais pris isolément [...], ce n'est pas une preuve scientifique incontestable. Mais ça soulève la nécessité d'aller vérifier», a-t-il dit.

L'écologiste Daniel Green, de la Société pour vaincre la pollution, estime que cette révélation est un nouvel indice voulant que le pétrole du train de Lac-Mégantic n'avait pas une composition chimique conventionnelle. Il juge que des solvants ou des sous-produits de la fracturation hydraulique ont pu se retrouver dans le brut, altérant ses propriétés.

«Le pétrole léger normal flotte, dit-il. Le pétrole qui a été mélangé avec les solvants a tendance à couler lorsque les solvants s'évaporent.»

M. Green presse les autorités de rendre publics les résultats des analyses réalisées sur le pétrole du train de MMA.

«Ça démontre que, dans ce cas-ci, le citoyen avait raison et que l'expert du Ministère avait tort, renchérit Daniel Green. Ça remet aussi en cause l'expertise du Ministère.»

La responsabilité des entreprises

Même si M. Blanchet a admis que plusieurs incertitudes persistaient dans ce dossier, il a assuré que les Québécois ne paieront pas la note.

Il a ainsi annoncé hier que le gouvernement avait adopté une ordonnance afin d'obliger les entreprises responsables à décontaminer les zones touchées par la catastrophe et à en assumer les frais.

«Il n'y a pas de recours dont on se privera pour aller chercher les sommes nécessaires pour assurer la décontamination des sites», a assuré le ministre, et ce, même s'il ignore l'ampleur du désastre.

L'ordonnance vise MMA, qui transportait le pétrole, mais également Western Petroleum Company et World Fuel Services, à qui appartenait la substance.

On apprend d'ailleurs dans cette ordonnance que les propriétaires du pétrole ont seulement manifesté leur intention de récupérer ce qui n'a pas été rejeté dans l'environnement.

Cette ordonnance s'ajoute à la mise en demeure de la Ville de Lac-Mégantic à l'endroit de MMA afin que l'entreprise paye ses sous-traitants pour nettoyer les lieux. MMA devrait donner suite aujourd'hui à cette mise en demeure.

Quelque 5 630 000 litres ont été brûlés ou déversés dans l'environnement. Une évaluation initiale estimait à environ 100 000 litres la quantité de pétrole ayant atteint la rivière Chaudière. Mais le gouvernement reconnaît qu'il ne sait pas encore avec précision de quelle manière le pétrole s'est réparti dans l'air, le sol et l'eau. -