La contamination de la rivière Chaudière serait-elle plus grave que ne le laisse entendre le ministère de l'Environnement? Une vidéo tournée cette semaine par un citoyen de Frontenac donne à penser que du pétrole pourrait avoir coulé au fond du cours d'eau.

Si c'est le cas, les efforts de décontamination pourraient s'avérer beaucoup plus compliqués que prévu.

Yves Laflamme, qui possède une terre au bord de la rivière, à Frontenac, à quelques kilomètres du lieu de l'accident, s'est avancé dans la rivière pour voir s'il ne restait pas de traces de pollution. Il a perdu pied et il est tombé. En se relevant, il a constaté que chacun de ses pas provoquait la remontée d'hydrocarbures vers la surface.

«En remuant la boue dans le fond, en marchant dans le fond, ça a remonté", a résumé M. Laflamme.

La vidéo qu'il a tournée en sortant de la rivière montre qu'un halo de plusieurs mètres carrés recouvre l'eau en bordure du cours d'eau.

Le ministère de l'Environnement a toujours maintenu que le train de Lac-Mégantic transportait du pétrole léger provenant des schistes du Dakota-du-Nord, un pétrole qui flotte. Il a affirmé mercredi que, selon ses observations, il reste «très peu» d'hydrocarbures sur la rivière Chaudière.

Le Ministère n'a pas prélevé d'échantillons pour déterminer si le fond du cours d'eau a été contaminé.

Le Centre de contrôle environnemental du Québec, un organe du Ministère, est chargé du nettoyage des cours d'eau après la tragédie de Lac-Mégantic. Son directeur régional, Jean-Marc Lachance, dit n'avoir reçu aucune information le portant à croire que du pétrole s'est retrouvé au fond.

À son avis, la chute de M. Laflamme a délogé du pétrole qui s'était accumulé sur la berge. C'est ce qui explique le halo multicolore qui recouvre la rivière.

«Une goutte d'essence dans l'eau, ça va créer un cercle de deux ou trois pieds, illustre M. Lachance. Alors là, il a brassé la végétation et tout, c'est normal. C'est pour cela qu'on décontamine les berges.»

Des écologistes sceptiques

L'écologiste Daniel Green, qui est en contact avec M. Laflamme, met en doute les explications du ministère de l'Environnement.

«Je suis allé sur le site, j'ai vu l'huile sur l'herbe, j'ai échantillonné les herbes, dit M. Green, de la Société pour vaincre la pollution. Ces huiles appliquées sur les bordures herbeuses, c'est très dur à décoller.»

L'écologiste compte mener des tests la semaine prochaine pour en avoir le coeur net.

Trois experts contactés hier ont émis des avis divergents sur la possibilité que du pétrole du train de Lac-Mégantic ait pu couler dans la rivière Chaudière. Rosa Galvez, du département de génie civil et de génie des eaux de l'Université Laval, ainsi que Gregory Patience, du département de génie chimique de la Polytechnique, juge que c'est possible.

Émilien Pelletier, de la Chaire de recherche du Canada en écotoxicologie moléculaire en milieux côtiers de l'UQAR, doute que du pétrole ait pu flotter sur plusieurs centaines de mètres avant de couler devant le terrain de M. Laflamme.

Chose certaine, la présence de pétrole au fond de la rivière pourrait compliquer les efforts de décontamination.

«Si le pétrole est dans le fond, qu'il vienne de l'accident de Lac-Mégantic ou d'ailleurs, il sera difficile à trouver, difficile à repérer, difficile à récupérer», résume M. Pelletier. Et il y a toute la faune qui vit dans les sédiments qui va être directement touchée.»

-Avec Denis Dufresne, La Tribune