La vie reprend tranquillement ses droits à Lac-Mégantic, coupée en deux par un centre-ville qui a des allures de champ de bataille depuis maintenant deux semaines. Mais avec la routine quotidienne reviennent les obligations, comme le paiement des factures ou la tournée hebdomadaire à l'épicerie - des gestes banals devenus fort embêtants pour ceux qui ont perdu leur emploi dans la tragédie.

Pour la gérante du Musi-Café, Sophie L'Heureux, l'aide se résumera à l'équivalent d'un salaire de 4,81 $ l'heure. « On est des travailleuses à pourboire, notre salaire est donc de 8,75 $ seulement », explique-t-elle. Or l'assurance-emploi prévoit des prestations équivalant à « 55 % de la rémunération moyenne assurable ». Pour une serveuse comme Sophie L'Heureux, c'est donc un peu moins de 5 $ l'heure. « C'est difficile, surtout qu'habituellement, l'été est une bonne période », dit celle qui se trouve dans la même situation que ses collègues qui ont survécu à l'explosion. 

Service Canada prévoit deux semaines pendant lesquelles les prestataires de l'assurance-emploi ne sont pas payés. Cette « période d'attente » est comparée à la franchise d'une assurance par l'organisme fédéral. Pour Sophie L'Heureux, ces quinze jours sont surtout synonymes de budget serré. « On est obligés de suivre les mêmes procédures qu'un citoyen normal qui vient de perdre son emploi », dénonce-t-elle. « J'ai appelé des élus fédéraux, mais je n'ai pas eu de nouvelles. »

Questionné sur la possibilité d'adopter des mesures particulières pour les sans-emploi de Lac-Mégantic, Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) a rappelé qu'un code de référence spécial « a été assigné pour faciliter le processus de traitement des demandes liées au déraillement ferroviaire ». Vrai, admet Sophie L'Heureux, ce code existe. « Mais quand j'ai remis le formulaire qui servait à remplacer les papiers de cessation d'emploi [qu'elle n'a pas en raison de la nature des événements], on m'a dit que le code de référence ne changerait rien, qu'on allait attendre deux semaines quand même », se désole-t-elle. Quant à la possibilité d'obtenir des chèques de remplacement de l'assurance-emploi, qui « peuvent également être émis si nécessaire », selon RHDCC, la gérante du Musi-Café n'en a pas été informée. « Les prestataires de la région de Lac-Mégantic ne seront pas pénalisés suite au faible nombre d'opportunités d'emploi dans leur région en ce moment », a tout de même indiqué par courriel une porte-parole de RHDCC, Amélie Maisonneuve, sans autres précisions. 

Une pause dans les recherches

Les autorités ont de leur côté eu droit à une pause, samedi, dans ce qui est devenu leur nouveau quotidien. Les recherches ont été suspendues dans la zone rouge du centre-ville de Lac-Mégantic, car une grue venue de Montréal y a fait son entrée hier. Cet équipement permettra aux policiers, pompiers et autres médecins ou anthropologues légistes d'accéder à des endroits auparavant difficiles d'accès en raison de la présence des wagons-citernes. La Sûreté du Québec a revu son positionnement et sa stratégie : elle entame donc aujourd'hui la phase 2 des recherches. Cinq corps seraient toujours ensevelis sous les décombres, tandis que 42 autres ont été extirpés jusqu'ici.

Deux mois pour régler les successions



Le président de la Chambre des notaires du Québec s'attend à ce que les règlements de succession concernant les victimes de la tragédie de Lac-Mégantic soient complétés rapidement, probablement d'ici deux mois.

En entrevue à La Presse Canadienne, Jean Lambert a indiqué que les procédures de règlement ont été accélérées, afin de réduire les délais «normaux».

M. Lambert estime que les proches des victimes ont déjà subi assez de préjudices, qu'ils n'ont surtout pas à attendre pendant des mois ou des années pour clore le dossier testamentaire.

Le président de la Chambre des notaires signale que le ministère de la Justice du Québec a déjà mis en branle les procédures et que les requêtes de Lac-Mégantic seront traitées en priorité. Un juge devrait être affecté sous peu dans le district pour disposer rapidement des dossiers.

Selon Jean Lambert, l'implication d'enquêteurs ne devrait pas être nécessaire, puisque les attestations du Bureau du coroner seront suffisantes, même si certaines victimes pourraient ne jamais être retrouvées dans les décombres.

Les actes notariés d'une seule des deux voûtes des bureaux de notaires qui ont été détruits dans la catastrophe de Lac-Mégantic ont été trouvés intacts. Toutefois, des copies des testaments originaux existent.

Quant aux proches des victimes qui ne seront pas retrouvées, considérées comme disparues, ils n'auront pas à attendre la période réglementaire de 7 ans pour que les successions soient conclues. Des éléments de preuve, des faits concordants, des témoignages devraient être suffisants pour confirmer les décès.

Avec La Presse Canadienne