L'enquête du Bureau de la sécurité des transports (BST) progresse à Lac-Mégantic et bien qu'il reste encore beaucoup à faire, il est déjà clair que le freinage n'était pas suffisant sur le train qui s'est emballé pour finalement dérailler, exploser et détruire le coeur de la municipalité estrienne, tuant une cinquantaine de résidants.

«Le train est parti à la dérive. Donc il n'était pas immobilisé convenablement», a simplement conclu le gestionnaire des opérations ferroviaires du BST au Québec, Ed Belkaloul, en faisant le point sur l'enquête de son organisme, vendredi après-midi.

Les enquêteurs du BST ne savent toutefois pas encore si le freinage n'a pas tenu parce que le mécanicien n'avait pas appliqué un nombre suffisant de freins ou si ces freins étaient défaillants.

Des éléments de réponse plus précis sont tout de même attendus puisque le BST a fait appel à un sous-traitant équipé de matériel spécialisé destiné justement à vérifier, à l'aide de jauges de contrainte, l'efficacité des sabots de frein.

Malgré tout, le Bureau a déjà fait parvenir deux avis de sécurité à Transports Canada, le premier portant sur l'immobilisation de l'équipement et des trains laissés sans surveillance.

«Quand on parle de l'immobilisation, c'est de l'immobilisation dans les pentes et ces éléments-là. On a identifié un lien entre cette enquête-là et d'autres enquêtes qu'on a faites depuis une vingtaine d'années», a expliqué M. Belkaloul.

Le second avis porte sur la sécurisation des locomotives. «On a demandé à Transports Canada de s'assurer, pour les locomotives des trains transportant des matières dangereuses, de revoir toutes les procédures de sécurisation de ces locomotives», a dit le gestionnaire des opérations ferroviaires du BST au Québec.

Sur la question plus précise du freinage, M. Belkaloul a signalé que la réglementation existante est trop vague, indiquant sans plus de précision que le mécanicien doit appliquer «un nombre suffisant de freins».

«C'est ça le problème. ''Suffisant''... Si je suis sur une pente de 1 pour cent, 1,5 pour cent, il y a énormément de variables. Si j'ai juste deux ou trois wagons, c'est léger, donc les forces de gravité sont plus faibles. Si vous avez un train de 120 wagons, c'est un autre problème. Et ça, c'est laissé au mécanicien de locomotive à partir de ces éléments, de décider combien de freins ça lui prend», a-t-il soutenu.

Par ailleurs, les enquêteurs poursuivent leur analyse de l'état de la voie ferrée et continuent leurs entrevues avec les employés de la compagnie Montreal, Maine and Atlantic Railway, les dirigeants de celle-ci, les pompiers et tout autre témoin pertinent.

De plus, l'analyse des données de la boîte noire du train se poursuit, de même qu'une inspection minutieuse des wagons-citernes et de leur contenu. Jusqu'ici, 25 wagons ont été expertisés afin d'identifier leurs faiblesses, les fissures et autres éléments reliés. Le contenu, quant à lui, suscite des questions même si l'on sait qu'il s'agit de pétrole brut léger, notamment en raison des boules de feu qui ont été provoquées par le déraillement.

Les enquêteurs se penchent également sur l'impact que pourrait avoir eu le fait de n'avoir qu'un seul mécanicien pour s'occuper du convoi.

La mairesse de Lac-Mégantic, Colette Roy-Laroche, s'est réjouie de la rapidité avec laquelle le Bureau de sécurité des transports a agi jusqu'ici.

«Je suis tout à fait, non pas estomaquée, mais ça confirme des doutes que certains avaient là-dessus», a dit Mme Roy-Laroche en faisant référence à la question du freinage insuffisant.

«Là où je suis vraiment heureuse, c'est de constater que rapidement on a des recommandations à faire et je souhaite que rapidement Transports Canada agisse en ce sens», a-t-elle ajouté.

La mairesse aura de l'aide pour faire pression sur Transports Canada puisque l'opposition néo-démocrate à Ottawa a forcé la tenue d'une réunion spéciale du comité des Communes sur le transport, les infrastructures et des communautés, afin de se pencher sur la question de la sécurité dans le transport ferroviaire.

Les quatre membres néo-démocrates du comité veulent voir quels gestes peuvent être posés pour que soient implantées les mesures de sécurité déjà proposées dans le passé par le Vérificateur général et le BST.

Les députés du NPD rappellent qu'en décembre 2011, le Vérificateur avait identifié des lacunes majeures dans les efforts de Transports Canada pour minimiser les risques entourant le transport de matières dangereuses.

Ils soulignent de plus que le ministère fédéral a ignoré à maintes reprises des recommandations du BST entourant l'installation de systèmes de freinage automatique, d'enregistreurs de voix et de vidéo ainsi que l'obligation d'utiliser des wagons-citernes plus sécuritaires.

Photo archives La Presse Canadienne

Ed Belkaloul