La tragédie à Lac-Mégantic a fait doubler les signalements à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) de l'Estrie en seulement une semaine et les autorités s'attendent à une hausse des signalements au cours des prochains mois.

La DPJ du secteur reçoit normalement 45 signalements en moyenne par semaine, dont environ la moitié sont jugés assez fondés pour ouvrir un dossier. La semaine dernière, elle a reçu 90 appels. De ce nombre, 40 ont été retenus.

«Actuellement, tous les cas urgents sont vus la journée même, mais si le débordement se poursuit, c'est certain que l'on pourrait se retrouver avec une liste d'attente et qu'on va devoir engager du nouveau personnel», a souligné le directeur de la protection de la jeunesse de l'Estrie, Alain Trudel.

Ce dernier explique que la tragédie qui a frappé Lac-Mégantic fragilisera nécessairement le tissu social au cours des mois à venir. Les pertes d'emplois, les déménagements et les traumatismes liés à l'accident risquent de peser lourd sur les parents déjà vulnérables. Dépassés par les événements, certains d'entre eux pourraient négliger leur enfant ou commettre un geste qu'ils regretteront.

La hausse des signalements, même s'ils ne sont pas tous liés à la tragédie, illustre déjà à quel point l'accident a provoqué des situations de stress et d'anxiété dans les familles qui vivent dans la précarité.

C'est pourquoi M. Trudel invite les parents à être à l'écoute de leur état. Il explique que les intervenants de la DPJ sont là pour les accompagner et que, contrairement à certaines croyances, le maximum est toujours fait pour garder l'enfant dans son milieu.

Il invite cependant la population à faire des signalements à la DPJ au moindre doute de négligence ou de violence physique ou sexuelle.

«Quand la vie va avoir repris son cours, on risque de porter moins attention, et c'est là que la vigilance par rapport aux enfants risque de baisser, dit-il. Pour certaines personnes, le deuil va peut-être venir dans un, deux ou trois mois, quand les services majeurs de crise seront partis, alors que c'est à ce moment-là qu'elles auront besoin d'aide.»

Trou noir

Les bureaux administratifs du Centre jeunesse, qui se trouvent dans la zone sinistrée, ont dû été relogés au deuxième étage d'un Centre de réadaptation en déficience intellectuelle.

Le centre jeunesse de Lac-Mégantic a aussi perdu une employée dans l'accident, Natacha Gaudreau, une adjointe administrative maman de deux enfants. Sa collègue Nancy Pander l'a décrite comme une femme accueillante, souriante et très humaine.

«Lorsque l'on se déplace à Lac-Mégantic et que l'on regarde le trou noir qu'est devenu le centre-ville, on est à même de constater que la tragédie laisse un vide épouvantable au plan physique, mais ce vide spectaculaire est à la même mesure que celui créé au plan humain», a dit Alain Trudel.