Un des hommes qui a déplacé des wagons-citernes plein de pétrole, après l'explosion d'un convoi qui a détruit le centre-ville de Lac-Mégantic la fin de semaine dernière, ignorait qu'il était aidé par le conducteur du train durant l'opération.

Serge Morin, qui est intervenu avec de l'équipement de l'entreprise pour laquelle il travaille afin de lutter contre l'incendie, a affirmé que Tom Harding lui a seulement été présenté comme un employé de Montreal, Maine & Atlantic, le transporteur ferroviaire dont le convoi a déraillé.

Comme les quatre autres hommes qui s'affairaient à déplacer les pleins de brut, malgré les flammes qui venaient jusqu'au-dessus d'eux, M. Harding était nerveux.

«Il était très nerveux, il faisait très chaud, tu ne prends pas le temps de discuter trop, trop, a-t-il dit. Je ne savais pas que c'était le conducteur du train, mais je savais que c'était un employé de MMA, c'est ce qu'on m'a dit.

«Je ne savais pas à ce moment-là toutes les histoires qu'on sait. À ce moment-là, je trouvais qu'il nous donnait un bon coup de main, je trouvais qu'il faisait sa part.»

M. Morin, aidé de l'un de ses collègues, Sylvain Grégoire, a réussi à détacher puis déplacer cinq premiers wagons-citernes remplis de pétrole en queue du convoi, avec un locotracteur de l'entreprise Tafisa, qui dispose de cet équipement parce que sa marchandise transite par transport ferroviaire.

Une fois ces premiers wagons déplacés, les deux hommes étaient cependant incapables de retourner avec leur véhicule et c'est avec un tracteur de construction, qui les avait tirés durant l'opération, qu'ils ont dû aller en chercher d'autres.

C'est à ce moment qu'un pompier sur place lui a indiqué qu'un employé de MMA, vêtu d'un habit de pompier de la municipalité, était sur place.

«C'est sûr que de savoir qu'il y avait ce monsieur qui pouvait nous donner un coup de main, ça prenait l'aide de tout le monde ce soir-là, a-t-il dit. On n'essayait pas de voir c'était qui.»

Sans locotracteur, M. Morin était cependant incapable de désengager les freins des wagons, ce que l'employé de MMA a su faire.

«Il a été nécessaire parce qu'on n'aurait pas été capable de repartir avec le «loader', a-t-il dit. Tant qu'on était avec le locotracteur, on était capables de désengager les freins, mais avec le «loader» on n'était pas capables. Alors je pense que oui, il a été utile.»

Les seuls mots de Tom Harding entendus par M. Morin furent prononcés quand le conducteur lui a indiqué qu'il n'avait pas à se soucier de briser des boyaux pour attacher le wagon au tracteur.

«C'est la seule conversation que j'ai eue avec lui», a-t-il dit.

MMA a affirmé cette semaine que Tom Harding, qui est demeuré silencieux depuis la tragédie de samedi, était intervenu dans les premières heures qui ont suivi l'explosion du convoi de 72 wagons-citernes.

Le président de l'entreprise propriétaire de MMA, Edward Burkhardt, a déclaré mercredi que M. Harding n'avait pas serré les freins à main des wagons correctement, au moment d'un arrêt pour un changement de quart, ce qui a permis au convoi de se mettre en mouvement et de dévaler, sans personne aux commandes, une pente pour exploser, faisant 28 morts et 22 disparus.

Au total, neuf wagons ont été éloignés, malgré les flammes qui brûlaient au-dessus des cinq hommes qui ont réussi ce travail, dans les heures qui ont suivi le déraillement.

En plus des deux employés de Tafisa et de M. Harding, un pompier, Benoit Héon, ainsi que Pascal Lafontaine, de l'entreprise propriétaire du tracteur, ont participé à l'opération, qui s'est terminée à la levée du jour. Un sixième homme a aussi travaillé à déplacer les cinq premiers wagons, un soldat, dont M. Morin ignore le nom.

M. Morin, qui compte des victimes de la tragédie dans son entourage, n'a plus revu M. Harding, après le déplacement des deux derniers wagons-citernes.

Constatant le nombre de décès et de disparitions, le technicien de production de Tafisa a dressé un bilan mitigé de l'opération de déplacement à laquelle M. Harding a participé.

«Ce qu'on a fait ce soir-là, ça n'a rien changé, a-t-il dit. Il y a cinquante personnes qui sont disparues, qu'il nous ait aidés ou pas, il y en aurait cinquante aujourd'hui.»