«Ils nous ont dit qu'ils cherchaient minutieusement, à quatre pattes, comme si c'étaient des membres de leur famille. Ils ne peuvent pas nous dire le temps que ça va prendre. Ils vont venir nous rencontrer personnellement quand il va y avoir quelque chose.»

C'est ce qu'a indiqué un conjoint endeuillé en sortant de la première rencontre organisée par les autorités pour les familles de 50 personnes disparues dans la tragédie de Lac-Mégantic.

L'homme, qui ne veut pas être identifié, a perdu sa conjointe au Musi-Café. Une cinquantaine de personnes qui se retrouvent, comme lui, endeuillées d'un père, d'une mère, d'une soeur ou d'un frère, ont été convoquées par la Sûreté du Québec et d'autres intervenants, mercredi après-midi, au Collège de Lac-Mégantic. C'était pour faire le point, et dire l'évidence.

«Nous considérons ces personnes comme décédées», a affirmé Michel Forget, grand patron des communications à la SQ, quelques dizaines de minutes après la rencontre.

C'est la première fois que la police est aussi claire quant à leur sort. Selon M. Forget, c'est l'enquête policière qui lui permet d'affirmer avec certitude qu'il n'y a plus d'espoir de les revoir vivants. Des informations fiables confirmaient la présence de plusieurs de ces disparus dans la «zone rouge» au moment du déraillement.

Le policier est revenu sur l'évolution de la fameuse liste des personnes qui manquaient à l'appel. Elle atteignait des proportions inimaginables dans les premières heures de la tragédie.

«Nous avons reçu des milliers de signalements de personnes disparues, a-t-il relaté. Les efforts ont permis de réduire ce nombre considérablement. Une première liste a été établie à environ 1000 personnes dans les premiers jours.» Par la suite, elle est passée à 750 personnes.

Lors du même point de presse, M. Forget a annoncé que les policiers avaient récupéré un total de 20 corps dans les décombres, dont 5 au cours de la journée de mercredi.

Pas d'espoir

Les familles éplorées ne se faisaient plus d'illusion et savaient bien que leur proche disparu finirait entre les mains du coroner plutôt que dans leurs bras. Ils sont ressortis de la réunion avec une expression de tristesse résignée sur le visage et un dépliant sur le deuil dans leur sac.

«Ils nous ont expliqué comment ça fonctionne. C'était général. Pour le cas par cas, ils vont nous rencontrer personnellement. C'était très important ce qu'ils ont fait aujourd'hui. Ça a été très apprécié des familles», a indiqué Ginette Paquette, qui a perdu son frère.

Roger Paquette est mort dans sa maison sur le boulevard des Vétérans. «Je n'aurais jamais pensé qu'une si belle place comme ça, pour rester au bord du lac, dans un paysage magnifique... Il est mort dans son sommeil», a lancé Mme Paquette, d'une voix brisée.

Mme Paquette n'a pas senti de colère parmi l'assistance. Les intervenants ont même été applaudis, a-t-elle assuré. «On est vraiment conscients que des gens mettent leur vie en danger. Il y a encore des produits contaminés qui sont dangereux pour eux. Est-ce que, dans un an, ils vont développer quelque chose? On est vraiment conscients qu'ils nous protègent et qu'ils cherchent nos personnes disparues. Moi, ce qui m'intéresse, c'est de retrouver mon frère. Ce n'est pas de savoir qui est coupable pour le train.»

Un service de soutien psychologique était disponible sur place. Des notaires avaient aussi été mobilisés pour aider les familles à naviguer dans le labyrinthe bureaucratique qui les attend.

Le coroner progresse

Alors que la Sûreté du Québec continuait de sortir des dépouilles de la scène de crime, le Bureau du coroner a formellement identifié une première victime dans ses laboratoires de Montréal, mercredi.

Geneviève Guilbault, la porte-parole de l'organisation, a refusé de fournir quelque détail que ce soit sur cette personne, «par respect pour la famille». La méthode d'identification utilisée - dossier dentaire ou ADN - n'a pas non plus été révélée.

«Cette identification, quelques jours à peine après le début des recherches, atteste du fait que les travaux progressent bien.»

Cinq dépouilles devaient toujours être transférées à Montréal, mercredi en soirée.