Il semble que Tom Harding, le chef du train qui a dévasté Lac-Mégantic dans la nuit de samedi, ait héroïquement tenté de minimiser les dégâts, au péril de sa vie, dans les instants qui ont suivi le funeste déraillement.

Ce chef de train expérimenté dormait à l'Eau Berge, au centre de la petite ville, après avoir laissé son train comme d'habitude à une douzaine de kilomètres au nord-est au sommet d'une pente, à Nantes. Après son repos, il devait reprendre les commandes d'un autre train arrivant en sens inverse et le ramener jusqu'à la base québécoise de la Montreal Maine & Atlantic Railway (MMA) à Farnham, en Montérégie. C'est là qu'il habite d'ailleurs.

«Notre employé a été réveillé quand il a entendu une grosse explosion. Il a vu que c'était proche de la gare, il a vu les wagons», raconte Yves Bourdon, membre du conseil d'administration de la MMA.

M. Harding a rapidement compris qu'il s'agissait du train qu'il avait conduit quelques heures plus tôt.

«Il a vu qu'il y avait neuf wagons de pétrole qui étaient encore sur les rails en queue de train. Il a été avisé par des gens de l'usine Tafisa, qui ont dans leur cour un locotracteur, un véhicule qui peut aller sur les rails et la route, et qui sert à déplacer des wagons», poursuit l'administrateur.

Tafisa, c'est la grande usine de panneaux de bois toute en haut du village. Un court segment de voie ferrée relie l'usine à la voie ferrée de la MMA à l'endroit précis où a eu lieu le déraillement.

«Notre chef de train est allé voir les pompiers. Leur a emprunté des vêtements de pompiers, a pris les commandes du locotracteur et est allé y accrocher les neuf wagons restants. C'était très chaud pour lui», décrit Yves Bourdon.

Avec ce petit véhicule pas forcément conçu pour tirer de si lourdes charges, il a pu tracter les neuf wagons de 100 tonnes plus haut sur la voie en direction de Nantes.

«Ça a peut-être empêché d'autres explosions et sauvé quelques vies. Il a fait ça au péril de sa vie», dit l'homme.

Tom Harding a ensuite rencontré les enquêteurs de la Sûreté du Québec, et du Bureau de la sécurité dans les transports.

Il s'est maintenant retiré avec ses proches et préfère ne pas répondre aux questions des médias sur son geste courageux.

«Il est perturbé, et le terme est trop faible. Même s'il a travaillé selon les normes, il ne peut pas faire autrement. Même s'il n'est pas responsable, il était là en dernier. Personne ne reste froid devant cette situation», conclut Yves Bourdon

«Nous sommes déjà entrés en contact avec notre membre, nous lui avons offert du soutien psychologique et de l'aide légale. On regarde aussi pour donner de l'aide humanitaire dans le secteur de Mégantic», indique Daniel Roy, directeur québécois du syndicat des Métalos, qui représente les 75 employés québécois de la MMA.

«Pauvre gars... Celui qui chauffe la locomotive ou qui s'occupe des voies, on ne peut pas lui mettre sur le dos les négligences de l'entreprise», commente un autre membre du syndicat.

«L'ensemble des salariés vit des situations difficiles depuis samedi. Il y a encore des trains de la MMA qui se promènent au Québec et qui sont identifiables. Dans la population, les travailleurs se font regarder comme des méchants, même si ce n'est pas leur faute», ajoute-t-il.

«Nos meilleures pensées vont aux familles des victimes. C'est une situation intenable et inquiétante. On a des membres dans des usines de Lac-Mégantic et des environs, qui vivent le même drame», a encore déclaré Daniel Roy.