Le Bureau du coroner du Québec affirme qu'il déploie des moyens sans précédent pour identifier les dépouilles carbonisées des victimes de la tragédie de LacMégantic. Dans les prochains jours, près d'une quinzaine d'experts s'activeront sur le terrain et dans les locaux montréalais du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale: coroners, pathologistes, anthropologues judiciaires et dentistes.

« Ce sont des moyens extraordinaires", précise la porte-parole du Bureau, Geneviève Guilbeault.

Le Québec a rarement fait face à un aussi grand nombre de disparitions simultanées.

Lundi encore, 37 personnes manquaient toujours à l'appel, alors qu'en trois jours, les autorités ont récupéré seulement 13 dépouilles dans les décombres fumants. Et le Bureau du coroner ne peut promettre qu'il parviendra à identifier chacune d'entre elles.

Lorsqu'un cadavre est très endommagé, les experts tentent de comparer ses dents aux fiches dentaires des disparus. De simples échantillons de tissu humain leur révèlent par ailleurs l'empreinte génétique des victimes.

« Mais la combustion et la chaleur fragmentent l'ADN. Il faut parfois prélever profondément à l'intérieur du corps, par exemple la moelle qui est protégée assez longtemps des effets thermiques à cause de sa carapace osseuse", explique BenoîtLeclair, biologiste moléculaire au laboratoire Myriad Genetics, à Salt LakeCity.

Les techniques d'identification

Après avoir enquêté sur l'écrasement de Swissair pour la Gendarmerie royale du Canada, en 1998, M. Leclair a participé à l'identification des victimes du World Trade Center - un défi titanesque, puisque les restes humains y étaient restés ensevelis pendant des mois et avaient ainsi été endommagés par de multiples bactéries. Résultat: 12 ans plus tard, plus de 1000 des 2700 victimes du 11 septembre 2001 n'ont toujours pas été identifiées.

D'après ce qu'il sait de la tragédie de Lac-Mégantic, M. Leclair s'attend à un taux de succès bien plus élevé et estime que les familles éprouvées seront vraisemblablement fixées d'ici deux à quatre semaines.

Pour accélérer les choses, les proches parents des disparus doivent fournir un échantillon de leur propre salive afin de comparer leur profil génétique à celui des victimes, indique Mme Gilbeault. Lorsque la chose est possible, les pathologistes préfèrent toutefois recueillir directement les cellules des victimes en obtenant leurs effets personnels.

Partout dans le monde, des milliers de morts ont pu être identifiés grâce à un simple bijou, un peigne, un chapeau, un rasoir, un mégot de cigarette, un verre abandonné au creux d'un lavabo ou une dent de lait retrouvée dans une boîte à souvenirs.

« Le plus prometteur, c'est la brosse à dents, puisque la plupart des gens s'en servent deux fois par jour, précise M. Leclair. Mais après l'accident de Swissair, on a même identifié une femme en coupant un bout de tissu de sa pantoufle, à l'endroit où la peau frottait. »

Fait encourageant: depuis les attentats du 11 septembre 2001, les techniques d'identification se sont beaucoup raffinées. Avant, les experts devaient broyer les fragments osseux s'ils voulaient en extraire la moelle. Maintenant, ils utilisent, par exemple, des détergents.

Diminuer l'attente

La science continue de progresser: 6000 des 22 000 restes humains recueillis au World Trade Center ont pu être analysés à plusieurs reprises, au rythme des avancées.

« Les experts ont même préservé des échantillons qu'ils ont desséchés et emballés pour les rendre viables pendant des décennies", révèle M. Leclair, qui a lui-même créé un logiciel permettant de recouper le flot écrasant d'informations à gérer.

En règle générale, aucune famille ne désire toutefois attendre aussi longtemps. »Quand un parent disparu était le principal soutien financier d'une famille, il est important d'agir vite pour que ses survivants puissent toucher l'assurance vie, rapporte M. Leclair. L'identification les aide aussi à faire leur deuil. Dans tous les drames que j'ai vus, c'est largement l'impact psychologique qui primait. »

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Sur le terrain :

> 3 coroners

> 2 pathologistes

> 1 pathologiste assistant

> 1 anthropologue judiciaire Au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale :

> 2 pathologistes

> 3 dentistes

> 2 autres dentistes, prêts à aider