La journée est trop belle, le lac d'Argent trop calme, le décor trop bucolique pour un constat aussi terrible. Mais c'est la réalité. Édouard, 13 ans, a dû donner de son ADN pour qu'on puisse identifier sa mère dans les décombres du Musi-Café de Lac-Mégantic.

Natachat Gaudreault avait 41 ans. Il n'y a plus aucun espoir. Elle a été vue au Musi-Café juste avant le cataclysme qui a soufflé le populaire bar-restaurant, et une grande partie du centre-ville.

« C'est rare qu'elle veillait tard de même. Elle ne buvait pas. Zéro alcool. Les musiciens étaient trop bons ce soir-là", dit tristement Édouard.

Cette nuit-là, Édouard a vu la grosse boule de feu irradier le ciel. »Je dormais chez mon ami à Fatima. Sa soeur est arrivée en panique. J'ai su que le centre-ville était en feu, mais j'étais comme pas inquiet à ce moment-là. Je ne savais pas que ma mère était là. Au Musi-Café. »

Édouard n'a pas beaucoup dormi cette nuit-là. Le matin, vers huit heures, il est rentré chez lui, dans un autre secteur de Fatima. Sa mère n'y était pas, mais il n'a pas pensé au pire. Il s'est recouché, a rattrapé un petit deux heures de sommeil.

Puis, tout a déboulé. Il fallait évacuer les lieux. Jean-Marc Gagnon est venu chercher son petit-fils. Le père d'Édouard, Pierre-Luc, qui était à Magog, s'est précipité à Lac-Mégantic.

Natachat n'était toujours pas rentrée. Et elle n'avait pas donné de nouvelles. Plus la journée avançait, plus l'espoir s'étiolait. Les policiers n'ont pas fait de cachettes.

« On nous a demandé sa description, les vêtements qu'elle portait, ses bijoux. Et puis, Édouard a donné un échantillon de sang pour l'ADN", explique Jean-Marc Gagnon.

Depuis, c'est l'attente. L'interminable attente.

Pierre-Luc et Natachat étaient séparés, mais ils partageaient la garde d'Édouard.

« Natachat, c'était une très bonne personne, une très bonne mère. Elle ne méritait pas ça. Personne ne mérite ça", dit Pierre-Luc, avant d'ajouter: »On est en train de se faire un plan. On va déménager. On n'ira pas rester à Fatima, il y a trop de souvenirs. »

Édouard opine de la tête et enfile ses lunettes en miroir, pour cacher ses larmes.