Guy Ouellette et sa conjointe Diane Bizier passaient une très belle soirée entre amis au Musi-Café, comme c'est souvent le cas le vendredi. Le couple fait partie des habitués de ce bar - le propriétaire est d'ailleurs un ami proche de M. Ouellette.

Peu de temps avant le drame, M. Ouellette a décidé de retourner à la maison, pris d'un coup de fatigue. Diane l'avait remarqué et l'avait encouragé à aller se reposer. Avant de partir, il a jeté un coup d'oeil vers la terrasse, où sa conjointe semblait s'amuser ferme avec une nièce qu'elle n'avait pas vue depuis un moment.

«Je relaxais à la maison, lorsque tout est devenu blanc. Je croyais qu'il s'agissait d'un éclair, mais ça restait tout blanc», raconte M. Ouellette, rencontré chez lui moins de 48 heures après le drame. La maison est silencieuse, sombre. L'homme a les traits fatigués. À l'autre bout de la table, Mégane, la fille de sa conjointe, écoute le récit d'une nuit d'horreur qu'elle a aussi vécue à sa manière. Les trois enfants de M. Ouellette poussent la porte du bungalow au même moment. La famille s'enlace.

M. Ouellette se souvient du mur de feu. Il était si intense qu'il croyait que l'incendie était à deux rues de chez lui. «J'ai alors aperçu le train qui a déraillé, les gens courir, crier, les voitures filer à toute vitesse, le bordel...»

La chaleur était insoutenable et le centre-ville, inaccessible. M. Ouellette a alors décidé de revenir à la maison pour attendre des nouvelles de sa Diane.

Mais l'appel n'est jamais venu.

Christian Lafontaine a quant à lui perdu un frère, deux belles-soeurs et une employée de l'entreprise d'excavation familiale dans le drame. Lui même y a échappé de justesse.

«Il y a eu un tremblement de terre, une coupure de courant et le ciel est devenu orange. Le réflexe de ma conjointe a été de se cacher. Le mien, de sortir, et ç'a été la meilleure décision de ma vie. Dans la rue, j'ai vu une vague de feu s'en venir vers nous. Pas le temps de prendre l'auto, on a juste couru. Je me suis retourné, et c'était l'apocalypse derrière moi. Je ne sais pas pourquoi les autres ne m'ont pas suivi. Ç'a été impossible pour eux de sortir. Il restait au moins 30 ou 50 personnes dans le Musi-Café», raconte-t-il.

Son frère Gaétan n'a pas donné signe de vie depuis. Quand Christian a fui, Gaétan a tenté de trouver sa conjointe Karine, pour fuir avec elle.

«Ils ne faisaient qu'un. Ils sont morts ensemble», est-il convaincu.

Tous les Méganticois ont un témoignage à livrer sur la tragédie. Sur ce qu'ils ont vu, au sujet de ceux qu'ils ont perdus - car tous se connaissent.

La vie sauve

Plusieurs résidants de Lac-Mégantic ont frôlé la mort de proche. «Mon petit frère était arrêté au passage à niveau de la voie ferrée avec son scooter, parce que la barrière était baissée et les feux clignotaient parce que le train s'en venait. Mais quand il l'a vu dérailler, il a agrippé son ami et il a clenché. Il a été très chanceux», a témoigné Bianca Fillion.

Richard Turcotte, qui habite près de la voie ferrée, a lui aussi échappé de justesse aux flammes. «Vers 1h20, un sifflement me réveille, mon lit se met à shaker. J'ouvre les yeux, c'est orange dans ma chambre comme si une navette spatiale avait décollé à côté. Je regarde dehors, je vois le train s'empiler et la boule de feu. Je me cache sous la fenêtre et la boule est passée au-dessus de moi.»