Orgies, agressions, avarice: les Canadiens traînent une triste réputation en République dominicaine, d'après les témoignages de plusieurs travailleuses du sexe.

Des confidences rares, puisqu'elles n'auraient pas accepté de nous parler sur leur lieu de travail, par crainte de représailles. Ces entrevues ont été réalisées en marge d'un sommet sur la lutte contre le sida, organisé dans un hôtel de la capitale.

Ce jour-là, des centaines de personnes se sont entassées dans une salle de conférence. La moitié de la salle était remplie par des travailleuses du sexe.

Parmi elles se trouvait Virginia Perez, 30 ans. Elle a commencé à travailler à 13 ans à Sosua, où elle vit toujours avec ses deux enfants.

Violée par son père, la jeune femme a débuté dans le métier pour survivre, après avoir fugué. Elle a vite réalisé que le meilleur moyen de gagner de l'argent était de coucher avec les touristes. Virginia parle des Canadiens avec dédain. «Ce sont des animaux! peste-t-elle. Ils ne sont pas normaux. Un homme qui bat une femme est fou ou drogué. Leur comportement est souvent déplacé.»

Elle confie avoir été violée par des clients canadiens dans le passé. «Un homme m'a ramenée à son hôtel. Une fois dans sa chambre, deux autres hommes attendaient. Ils ont abusé de moi...»

La voix brisée, Virginia interrompt son récit.

Bien sûr, elle aimerait changer de métier. Mais faute d'options, elle continue. Au nom de ses enfants. «Ils ne me jugent pas. Ils comprennent que je fais ça pour eux», laisse tomber Virginia.

Selon Jacqueline Montero, de MoDeMu (Movement of United Women), un des rares organismes dominicains consacrés à la défense des travailleuses du sexe, les touristes ont de loin les demandes les plus tordues. «Des orgies avec des enfants, des femmes et des hommes et parfois même des animaux sont exigées. Un homme a déjà offert 10 000 pesos (environ 270 dollars américains) à une femme pour la filmer en action avec un chien», soupire, dégoûtée, Mme Montero.

Le plus dur, avoue pour sa part Melany Guerrero, 20 ans, c'est de se dévêtir pour des touristes très âgés. «Je me sens honteuse. J'ai peur que mes enfants me jugent un jour», confie la brunette mère de deux enfants, qui vit depuis quelques années de la prostitution.

Fleur-Angel, 38 ans, travaille à Boca Chica depuis une quinzaine d'années. Selon elle, les Canadiens ont la réputation d'être radins et violents. «Ils sont les moins appréciés dans la profession», dit-elle.

Wendy, Anita et Elizabeth sont âgées de 16 à 18 ans. Elles débutent dans le métier, dans la ville portuaire de Haina. Les trois amies décrivent avec une désarmante naïveté le cercle vicieux dans lequel elles sont en train de s'embourber. «On baise uniquement avec des Dominicains, surtout pour se faire inviter dans des fêtes», explique Wendy, 16 ans. Les trois filles acceptent de se prostituer pour seulement 20$US.

«On le fait juste pour avoir du plaisir. Moi, je veux être infirmière», assure Elizabeth, déjà mère de deux enfants. Mais il y a fort à parier que les trois amies imiteront Virginia, Melany et Fleur-Angel.

Elles aussi devront survivre.