Après trois semaines d'interruption pour les Fêtes, le procès pour le quadruple meurtre de la famille Shafia a redémarré sur les chapeaux de roues ce midi, à Kingston. Dès l'ouverture de la séance, c'est l'accusée Tooba, mère de trois des victimes et seconde épouse de Mohammad Shafia, qui s'est avancée à la barre des témoins.

Après avoir baisé le Coran à trois reprises, la femme de 41 ans, vêtue de couleur foncée et ses longs cheveux attachés, a commencé à répondre aux questions de son avocat, David Crowe. Elle a un débit extrêmement rapide, qui devient souvent étourdissant lorsque traduit par l'interprète.

Issue d'une famille nombreuse de Kaboul, elle est la fille de la deuxième épouse de son père. Ce dernier a travaillé comme pharmacien dans un hôpital de Kaboul et il a aussi possédé ses propres pharmacies. «Nous n'étions par millionnaires, mais pas pauvres non plus. Nous étions de la classe moyenne», a-t-elle précisé.

Tous ses frères et soeurs, de même qu'elle-même ont convolé dans le cadre de mariages arrangés. C'est la coutume, pas seulement en Afghanistan, mais dans tous les pays musulmans, a-t-elle dit. Elle a épousé Mohammad Shafia en 1988, à Kaboul, alors qu'elle avait 17 ans. C'est Rona, première épouse de Mohammad, qui voulait une seconde épouse pour son mari, car elle-même ne pouvait avoir d'enfant. Tooba est rapidement devenue enceinte après son mariage. Au fil des ans, elle a eu sept enfants.

Aujourd'hui, la femme, son mari Mohammad et leur fils aîné, Hamed, sont jugés conjointement sous des accusations de meurtres prémédités à l'égard de trois des filles Shafia (Zainab, 19 ans, Sahar, 17 ans, et Geeti, 13 ans), de même que de Rona Amir, 52 ans, première épouse de Mohammad. Les quatre femmes ont été trouvées noyées dans une voiture au fond de l'écluse de Kingston Mills, le 30 juin 2009. La Couronne prétend qu'elles ont été tuées pour laver l'honneur de la famille.

Par ses questions, Me David Crowe s'efforce manifestement de démontrer que la famille Shafia était ouverte d'esprit. Personne n'était très religieux dans la famille, et le port du voile était absolument facultatif, a assuré Tooba. Les filles pouvaient se maquiller et s'habiller à leur guise selon les circonstances. Le maquillage ne peut être le même lorsqu'on va en classe ou dans un party, a expliqué le témoin.

En ce qui concerne Rona, Tooba assure qu'elle faisait partie de la famille et qu'elle était bien traitée. En pleurs, Tooba a raconté avoir même donné son troisième enfant, Sahar, à Rona, puisque cette dernière était stérile. Rona était folle de joie et c'est elle qui a élevé Sahar, jusqu'à ce qu'elles meurent toutes les deux.

Tooba convient qu'elle et Rona pouvaient avoir des différends à l'occasion, mais il n'y avait rien de dramatique. «Les petites choses pouvaient durer cinq minutes, et les grosses une journée ou deux. La plupart du temps, c'est moi qui allais la voir pour m'excuser, car elle était plus âgée que moi», a signalé Tooba.

Le procès se poursuit après la pause du midi.