«Hamed, ce n'est pas moi qui ai appelé la police cette fois... Hamed, devrais-je me tuer? Regarde, Hamed, vous êtes faits à 100%... Est-ce la fin? [...] La meilleure chose serait que tout le monde se suicide, ou on peut se battre jusqu'à la fin. Ne faites rien de stupide. Si vous pensez au suicide, vous autres, ne le faites pas. O.K.?»

Ces paroles et bien d'autres que le deuxième fils Shafia a échangées au téléphone avec son frère Hamed, la nuit du 21 juillet 2009, ont servi de munitions à la Couronne, mardi, au procès des trois Shafia qui se tient à Kingston. Le procureur Gerard Laarhuis s'est livré à un mitraillage en règle pour démontrer que le frère cadet d'Hamed Shafia, qui témoigne pour la défense depuis lundi, était, et est toujours, plus préoccupé de sauver ses parents et son frère soupçonnés de meurtres que d'aider la police à découvrir la vérité au sujet de ces morts. Zainab, 19 ans, Sahar, 17 ans, Geeti, 13 ans, et Rona, 53 ans, première femme de Mohammad Shafia, avaient été trouvées noyées dans une voiture dans l'écluse de Kingston Mills, trois semaines auparavant.

«La première chose que vous dites à votre frère, vous le rassurez en disant que ce n'est pas vous qui avez appelé la police. Parce que la première fois où vous l'avez appelée (le 17 avril 2009, jour de la fuite de Zainab dans un refuge pour femmes), ça avait causé de gros problèmes!», a lancé Me Laarhuis.

«Oui, je voulais juste lui dire que je n'avais pas fait la même erreur», a répondu le témoin.

Le garçon a aussi convenu qu'il avait parlé de suicide cette nuit-là, parce qu'il était inquiet pour ses parents et son frère. «J'ai pensé à me tuer parce que je n'avais pas de raison de vivre sans ma famille», a-t-il dit mardi.

Dans la nuit

Ces conversations ont eu lieu dans la nuit du 21 juillet 2009. Vers l7 h la veille, la DPJ avait retiré les trois enfants mineurs du domicile familial de Saint-Léonard et les avait placés dans une famille d'accueil. Incapable de dormir, le garçon a téléphoné à la maison de la rue Bonnivet où se trouvaient son père, Mohammad, sa mère, Tooba, et son frère, Hamed. Le garçon a raconté à Hamed qu'un policier venait de l'interroger pendant longtemps au sujet des quatre morts.

«Ce gars [le policier] m'a dit: "On pense que ta mère, ton père et ton frère ont fait ça." Il a dit qu'il avait la preuve à 100% que vous l'aviez fait. Il a dit que la Lexus a fait tomber la Nissan [dans l'eau]etHamed, s'ils soupçonnent quelque chose, ils ne vont pas vous laisser tranquilles...», s'est inquiété le témoin, qui a aussi indiqué ce qu'il avait dit et signalé qu'Hamed devait dire la même chose.

Interrogé par la Couronne, mardi, le jeune homme a soutenu qu'il ne voulait pas camoufler la vérité, mais plutôt inciter son frère à dire toute la vérité. «Parce que quand on est préoccupé, on peut fabriquer des histoires et se mélanger», a-t-il dit. Soulignons que Mohammad Shafia, sa femme Tooba et leur fils Hamed ont été arrêtés le lendemain de cet appel et accusés des meurtres prémédités de la femme et des trois filles.

Bien préparé

Manifestement bien préparé, le garçon témoigne avec aplomb. Il utilise parfois des formules souvent entendues en cour comme: «Voulez-vous reformuler, je ne comprends pas votre question.» Il se dit toujours convaincu que ses parents et son frère n'ont rien à voir avec la mort des quatre membres de la famille.

Pendant toute la journée, mardi, il a maintenu le cap dans la tempête de questions de la Couronne. Me Laarhuis a traqué sans relâche les incongruités et les contradictions de son récit. L'exercice se poursuit mercredi.