Mohammad Shafia assure qu'il ne s'est jamais mêlé de la tenue vestimentaire de ses filles. Mais il était fort en colère quand il a découvert, après leur mort, en juillet 2009, que Sahar s'était fait photographier en petite jupe, enlacée par un garçon, qui était en fait son ami de coeur.

«J'étais fâché. Ils [les autres enfants] m'avaient caché cette photo», a raconté Mohammad Shafia, jeudi, lorsqu'il a témoigné pour sa défense. L'homme de 59 ans est jugé avec sa deuxième femme Tooba, 41 ans, et leur fils aîné, Hamed, 20 ans, à Kingston. Ils sont accusés des meurtres de trois de leurs filles, Zainab, 19 ans, Sahar, 17 ans, et Geeti, 13 ans, ainsi que de Rona, 53 ans, première femme de Mohammad.

Appelé à la barre comme premier témoin par son avocat, Me Peter Kemp, Mohammad Shafia a commencé par tracer le parcours de sa vie. Il s'est décrit comme un «musulman normal». Né à Kaboul, il est allé à l'école jusqu'en 6e année et a commencé à travailler en électronique à 18 ans. Son grand-père lui a donné 10 000$ pour démarrer sa petite entreprise, qu'il a ensuite déménagée au centre-ville de Kaboul. Il était fournisseur de radios Panasonic. Ayant manifestement la bosse des affaires, il a ouvert d'autres entreprises, en faisant de l'importation du Japon.

En 1992, la guerre civile l'a incité à fuir Kaboul avec sa famille pour aller vivre au Pakistan. La famille est plus tard allée s'installer à Dubaï. Il a fait des tentatives d'immigration en Australie et en Nouvelle-Zélande avant de s'installer à Montréal, en 2007.

Mohammad admet aujour­d'hui que Rona Amir était bien sa première femme. Il l'a épousée en 1978, à Kaboul. Dix ans plus tard, il a pris une seconde femme parce que Rona ne pouvait avoir d'enfants. Il tenait absolument à avoir des enfants, qui allaient les aider une fois qu'ils seraient vieux. «C'est comme ça que ça fonctionne dans l'humanité. Les gens font des enfants pour ça», a précisé l'accusé.

Mohammad reconnaît avoir caché à l'Immigration qu'il avait deux femmes, car «ça ne passerait pas». Il a fait venir Rona en la présentant comme une cousine qui demeurait avec la famille depuis 20 ans.

Une fois installé à Montréal, Mohammad a continué de voyager souvent à Dubaï pour ses affaires. Il voulait transférer son argent et ses affaires ici. «Nous n'avons jamais eu de problèmes financiers», a-t-il dit.

Des pleurs

En rendant son témoignage, l'homme a pleuré à quelques occasions. On entendait sa femme sangloter dans le box en même temps. Mohammad Shafia se considère comme libéral et assure qu'il a toujours agi dans le meilleur intérêt de ses enfants. Comme tout bon père, il ne voulait pas que ses filles marient des bons à rien. «Je ne veux pas insulter personne ici, mais ce garçon [Ammar, que Zainab a épousé pour divorcer aussitôt], il ne travaillait pas, il buvait, il n'aurait pas été capable de donner une vie convenable à ma fille.»

Mohammad jure qu'il n'a jamais été violent avec ses enfants, hormis une seule fois, en 2009. Il en a frappé deux au visage, parce qu'ils étaient rentrés à la maison à 23h et que Tooba était folle d'inquiétude.

Mohammad Shafia assure qu'il aimait tous ses enfants plus que sa propre vie. En contre-interrogatoire, la procureure de la Couronne Laurie Lacelle a fait valoir que les quatre victimes voulaient pourtant toutes partir de la maison.

Le contre-interrogatoire se poursuit vendredi matin.

Rappelons que les victimes ont été trouvées noyées dans une Nissan au fond de l'écluse de Kingston Mills, le matin du 30 juin 2009. La famille de 10 revenait de Niagara quand la tragédie est survenue. La Couronne prétend que les trois accusés les ont tuées pour laver l'honneur de la famille.

Photo fournie par la cour

Mohammad Shafia était fort en colère quand il a découvert que Sahar s'était fait photographier en petite jupe, enlacée par un garçon, qui était en fait son ami de coeur.