En juin 2012, le gouvernement conservateur avait décidé de prendre les grands moyens pour aller chercher le meurtrier Luka Rocco Magnotta en Allemagne, évoquant «l'intérêt national». L'opération aura coûté 376 128 $ aux contribuables canadiens, a appris La Presse Canadienne.

Le Canada avait déployé un de ses plus gros appareils pour aller cueillir le présumé criminel à l'époque, qui avait été arrêté par les autorités allemandes après une chasse à l'homme spectaculaire de plusieurs jours. Magnotta avait fui vers l'Europe après le meurtre de l'étudiant chinois de 33 ans Lin Jun.

Magnotta a été condamné à la prison à vie après avoir été reconnu coupable du meurtre prémédité de Lin Jun. Il a annoncé récemment qu'il interjetterait l'appel, réclamant un nouveau procès.

Après l'inculpation de l'homme de 32 ans, la Défense nationale a rendu publiques plus de 1700 pages de courriels sur les coûts de ce rapatriement et les différentes options qui s'offraient aux autorités.

C'est le ministre Peter McKay qui avait écrit au chef d'état-major de la défense, le général Walt Natynczyk pour demander l'aide de l'armée «le plus tôt possible» en raison de «l'intérêt national». «Nous ne pourrons pas régler ce problème efficacement sans le soutien des Forces canadiennes», avait tranché le ministre.

Il a cité la Loi sur la défense nationale, qui permet au gouvernement d'ordonner à l'armée de prêter main-forte à la police dans certaines situations. Moins d'une demi-heure plus tard, le général avait répondu par l'affirmative.

Difficultés pour trouver un appareil

Après avoir examiné toutes les possibilités, l'armée a envoyé un Airbus CC-150 Polaris, qui peut transporter jusqu'à 194 personnes en temps normal. En 2012, les opérations de l'avion coûtaient 15 505 $ de l'heure. Ainsi, pour tout le voyage, les Canadiens auront déboursé plus de 376 000 $.

Les documents ont permis de découvrir que le transfert des prisonniers se fait habituellement avec la flotte d'avions de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Or, à ce moment, aucun appareil n'était disponible pour des «raisons mécaniques». De plus, les compagnies privées, dont certaines ne satisfaisaient même pas les exigences de sécurité, avaient refusé de ramener au Canada le présumé meurtrier.

Les autres options - un CC-144 Challenger et CC177 Globemaster III -  étaient jugées trop complexes ou trop onéreuses par les différents intervenants.

À l'époque, Magnotta avait accepté son rappatriement et les autorités voulaient profiter de cette occasion, ce qui les pressait dans le temps. «Ce n'est pas une question de vie ou de mort, mais c'est quand même important pour ne pas imposer de délai (supplémentaire)», a plaidé un de ceux-ci dans un courriel. Ils avaient donc jeté leur dévolu sur l'Airbus.

Garder la confidentialité

Les messages, obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, révèlent en outre la volonté du gouvernement de garder secrètes ces informations jugées «sensibles» aux yeux du public.

«Il y a une très grande volonté pour les agences et tous les partenaires impliqués de conserver la confidentialité de ces activités», avait noté un lieutenant-colonel.

Le bureau du Conseil privé - la branche administrative du Bureau du premier ministre - avait ordonné aux représentants du ministère de la Défense d'éviter les médias sur cette question et de les référer au ministère de la Justice.