Au moment de ses délibérations, le jury devrait laisser de côté les rapports d'experts, se calmer, relaxer, regarder la preuve et entrer dans la tête de Luka Rocco Magnotta. Parce que la clé est là. M. Magnotta devrait être tenu non criminellement responsable du meurtre de Lin Jun et des autres accusations qui y sont rattachées.

C'est ce que l'avocat de la défense Luc Leclair a fait valoir, hier, alors qu'il adressait sa plaidoirie finale au jury. L'avocat de M. Magnotta a plaidé pendant une heure, en français, devant le jury bilingue.

M. Magnotta admet qu'il a commis les gestes qui lui sont reprochés, mais il a présenté une défense de maladie mentale. Les deux experts psychiatres retenus par la défense, le Dr Joel Watts et la Dre Marie-Frédérique Allard, estiment que l'accusé ne pouvait distinguer le bien du mal au moment des crimes. Il était en psychose induite par sa schizophrénie, d'après les deux médecins, qui ont rencontré M. Magnotta pendant plusieurs heures. L'expert retenu par la Couronne, le Dr Gilles Chamberland, croit pour sa part que M. Magnotta n'était pas malade à ce point. Il n'a pas pu rencontrer l'accusé, puisque celui-ci a refusé.

«Quand on soulève ce genre de défense, on peut s'attendre à ce que l'accusé témoigne, a reconnu Me Leclair. On peut s'attendre à ce qu'il rencontre l'expert de la Couronne. Ce n'est pas obligatoire. C'est un facteur que vous pouvez considérer avec toutes les circonstances.»

Pas besoin d'experts

Me Leclair considère que le jury n'a pas besoin des experts pour se faire une idée. «Je ne veux pas qu'on passe le temps jusqu'à Noël, que vous passiez des heures et des heures à vous chicaner, à décider qui est le meilleur expert, lequel croire. Ce n'est pas ça, la réponse, pas du tout», a-t-il dit, avant d'inviter le jury à mettre de côté les trois rapports d'experts, qui ont été au coeur du procès. La preuve d'expert a duré une vingtaine de jours sur les 40 du procès.

Me Leclair a aussi demandé au jury de ne pas tenir compte de Basic Instinct dans leurs délibérations. Les similarités avec le meurtre de Lin Jun ne sont que superficielles, a-t-il dit. «M. Lin n'a pas été tué par un "ice pik". C'est un tournevis qui a été utilisé. On ne l'a pas vu, Basic Instinct, mais vous n'avez pas entendu qu'il y avait des boîtes, que la personne tuée avait été découpée, mise dans des boîtes. Il n'y avait pas de Stephen Harper, pas de Parti libéral, pas de petit coeur dessiné sur des papiers. Pas de note, pas de paquet envoyé à Vancouver», a énuméré l'avocat.

Me Leclair pense que son client était sous l'emprise de la folie.

Le fait qu'il ait revêtu la casquette et le chandail jaune de Lin Jun après l'avoir tué démontre sa folie. «Ce n'était pas un trophée pour M. Magnotta», assure-t-il.

Me Leclair a fait ressortir qu'à part l'histoire des chats (filmés pendant leur mise à mort), il n'y a pas eu de violence dans la vie de M. Magnotta.

«Le procureur de la Couronne va vous dire que c'était prémédité, ça n'a aucun sens. C'est de la folie. Est-ce que, par moments, M. Magnotta se prend pour Sharon Stone? Pour Marilyn Monroe? Peut-être. C'est la folie.»

«Ce cas-là est unique. Vous avez des vidéos avant, pendant et après. On n'a peut-être pas besoin de plaidoiries ici. Je ne veux pas vous ennuyer jusqu'à la fin de la journée. La preuve est là. La folie, c'est quelque chose que vous allez devoir vivre. Vous allez devoir vous mettre dans la tête de M. Magnotta pour comprendre ce qui s'est passé.»

L'avocat a rappelé que s'il subsiste un doute dans l'esprit du jury, M. Magnotta doit en bénéficier.

Au terme de sa plaidoirie, Me Leclair a dit au jury que le sort de Magnotta était entre leurs mains.

Le procureur de la Couronne Louis Bouthillier plaidera aujourd'hui. Demain, le juge donnera ses directives au jury, qui commencera ensuite à délibérer.

M. Magnotta est accusé du meurtre de Lin Jun, survenu le 25 mai 2012, d'outrage à son cadavre, d'utilisation de la poste pour envoyer du matériel obscène, de fabrication de matériel obscène et de harcèlement envers le premier ministre Stephen Harper et les membres du Parlement.

Le procès a commencé devant le jury le 29 septembre.