Les appels incessants de Manny, l'attitude rude de Lin Jun pendant la relation sexuelle et les pleurs de Luka Rocco Magnotta dans la salle de bains par la suite, la nuit du meurtre de Lin Jun, ça ne correspond pas à la preuve.

C'est un des éléments que le procureur de la Couronne Louis Bouthillier a fait ressortir, mardi, en questionnant le Dr Joel Watts. Le psychiatre, qui a analysé la responsabilité criminelle de l'accusé à la demande de la défense, a produit un rapport de 124 pages dans la foulée. Le document conclut que M. Magnotta souffrait de psychose et qu'il ne pouvait distinguer le bien du mal au moment où il a tué Lin Jun et commis les autres actes qui lui sont reprochés.

Pour ce faire, le Dr Watts a rencontré Magnotta pendant une quarantaine d'heures, a consulté quantité d'autres documents et a interviewé des gens qui ont connu l'accusé.

Magnotta n'était pas volubile au sujet de la nuit fatidique. Il disait ne pas se souvenir de plusieurs détails, ou ne pas vouloir y penser. Il a tout de même donné quelques éléments. Il a notamment fait valoir que Manny ne cessait de téléphoner, que Lin Jun s'était montré rude au cours de la relation sexuelle et que lui-même s'était retrouvé en pleurs dans la salle de bains, alors que Lin Jun était toujours en vie. Or, les vidéos de surveillance montrent que Magnotta est sorti brièvement de son immeuble à 2h36, vêtu du chandail de Lin Jun, et qu'il est revenu avec un petit sac de plastique. Il a ensuite jeté des choses dans les poubelles de l'immeuble, au sous-sol, notamment deux oreillers.

Omissions

Pendant toute la journée, mardi, Me Bouthillier a fait des sauts de puce dans le rapport du Dr Watts, pour faire ressortir ce qu'il considérait comme des omissions - pourquoi le Dr Watts n'avait pas demandé ceci ou cela... Par exemple, avait-il demandé à l'accusé s'il avait attaché Lin Jun avant ou après sa mort? Pourquoi avait-il recouvert le matelas ensanglanté d'un rideau de douche et de draps? D'où venait la scie oscillante qu'il avait? Et pourquoi il l'avait? Où s'était-il procuré la valise dans laquelle il a mis le torse?

Le psychiatre avait posé certaines de ces questions, mais pas toutes. Par ailleurs, les réponses de Magnotta étaient souvent évasives. Ainsi, il ne voulait pas parler des chatons qu'il avait tués, en 2011, pour faire des vidéos et les mettre en ligne, car il avait honte et que c'était pénible pour lui.

M. Magnotta souffre de schizophrénie depuis la fin de son adolescence. Le Dr Watts est convaincu qu'il était en pleine psychose au moment des crimes.

Me Bouthillier poursuivra aujourd'hui son contre-interrogatoire du Dr Watts.

Accusations

Rappelons que M. Magnotta, 32 ans, est accusé du meurtre prémédité de Lin Jun, survenu le 25 mai 2012, d'outrage à son cadavre, de production et de diffusion de matériel obscène, d'utilisation de la poste pour envoyer ce matériel et de harcèlement contre le premier ministre Stephen Harper et les membres de son gouvernement.

M. Magnotta admet avoir commis les actes qu'on lui reproche, mais présente une défense de troubles mentaux, ce qui pourrait lui valoir un verdict de non-responsabilité criminelle.