Des voix dans la tête, l'impression de faire rire de soi, d'être persécuté, suivi et épié, l'isolement, les hospitalisations occasionnelles, des ordonnances de médicaments en quantité... La vie de Luka Rocco Magnotta de 1999 à 2012, c'était beaucoup ça.

C'est du moins ce qui se dégage des rapports établis à son sujet par différents médecins au cours des ans. La psychiatre Marie-Frédérique Allard revisite ces rapports, dans le cadre de son témoignage au procès de M. Magnotta. Ce qui ressort, c'est que celui qui est accusé du meurtre et du démembrement de Lin Jun a commencé à entendre des voix en 1999. Cela n'a jamais cessé, bien qu'il ait eu des périodes d'accalmie. On lui avait diagnostiqué une schizophrénie chronique dès mars 2002, alors qu'il n'avait que 19 ans.

La schizophrénie, c'est comme le diabète, a illustré la Dre Allard, ça ne se guérit pas, mais ça se traite avec les médicaments.

La psychiatre a aussi signalé que les risques de souffrir de schizophrénie sont beaucoup plus élevés si un des parents en souffre. Le père de Magnotta est schizophrène.

Magnotta a été hospitalisé à quelques reprises au cours des ans. Cela, en raison de ses pensées paranoïdes et du fait qu'il était confus.

«Je n'aime pas ce maudit hôpital», a-t-il lancé, après son admission en psychiatrie au Rouge Valley Centenary Health Center Site, le 6 mars 2003. Il a reçu son congé un mois plus tard.

La même année, il a été réadmis dans une ressource pour personnes psychiatrisées de Peterborough, Harrison House. Il y avait demeuré en 2001. À cet endroit, il n'arrivait pas à socialiser avec les autres. Il se disait persécuté par d'autres bénéficiaires et multipliait les lettres de plainte et les appels en pleine nuit au personnel, de même qu'à la police.

«Eric [le vrai prénom de Magnotta] a de la difficulté à agir de façon indépendante. Il est paranoïde, croit que les résidants veulent lui faire du mal, qu'ils pratiquent un culte extra-terrestre et qu'ils le persécutent. Il appelle à l'administration à 3h du matin pour dire qu'il ne se sent pas bien et qu'il doit voir son psychiatre à Toronto», notait un intervenant dans son dossier, en 2003.

En 2010, Magnotta, qui faisait de la prostitution et voyageait beaucoup, est allé s'installer à New York. En janvier 2011, il a été admis à l'hôpital Mount Sinai de Miami. C'est lui qui avait appelé la police. Il avait un coup de soleil de la tête aux pieds. Il ne se rappelait plus comment il était venu de New York et disait avoir peur d'un homme qui avait abusé de lui et le pourchassait. Il disait avoir été enlevé. Il a nié avoir des antécédents psychiatriques. Mais craignant pour sa sécurité et celle des autres, les médecins l'ont gardé contre son gré. Magnotta a appelé sa mère, dans l'espoir qu'elle parle aux médecins et qu'il soit libéré, mais elle a refusé de leur donner des informations. C'est finalement le père qui leur a dit que son fils était correct. Magnotta a été libéré au bout de quatre jours. Fâché contre sa mère, il ne lui a pas parlé pendant un an.

La psychiatre Allard poursuit son témoignage, aujourd'hui.

Accusations

Rappelons que M. Magnotta, 32 ans, est accusé du meurtre prémédité de Lin Jun, survenu le 25 mai 2012, d'outrage à son cadavre, de production et diffusion de matériel obscène, d'utilisation de la poste pour envoyer ce matériel et de harcèlement contre le premier ministre Stephen Harper et les membres de son gouvernement.

M. Magnotta admet avoir commis les actes qu'on lui reproche, mais présente une défense de troubles mentaux, ce qui pourrait lui valoir un verdict de non-responsabilité criminelle.